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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/58

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complété leur chargement, quelque favorable que puisse être la pêche. Ne semble-t-il pas qu’il doive suffire de signaler un pareil état de choses pour le voir cesser à l’instant ? Et pourtant les sollicitations maintes fois répétées de nos villes de pêche n’ont pu jusqu’à ce jour obtenir une réforme que l’administration elle-même, en 1844, a reconnue être vraiment indispensable.

Une simple ordonnance ministérielle suffirait pour porter remède au mal que nous venons d’indiquer ; il n’en est pas de même de celui que nous allons signaler, mal d’autant plus grave, qu’il attaque la pêche dans sa source même, et qu’il s’agit d’une de ces conventions internationales qu’on ne modifie pas aisément. Nous voulons parler du traité entre la France et l’Angleterre conclu en 1839, complété par le règlement de 1843 et par l’ordonnance de publication et la loi pénale de 1846. Sollicité par la France, dans la pensée d’assurer à nos pêcheurs nationaux l’exploitation des huîtrières de la baie de Granville, ce traité pose en principe général l’éloignement réciproque des pêcheurs des deux nations à trois milles au-delà des points qui découvrent lors des grandes marées. Cette clause a chassé nos pêcheurs des parages où ont eu lieu de tout temps les pêches de hareng les plus abondantes. Les résultats ne se sont pas fait attendre. De 1846 à 1847, le nombre des navires envoyés par Boulogne à la pêche d’été est tombé de 88 à 63, c’est-à-dire que les armemens ont diminué de près du quart. Par contre, les achats frauduleux de poisson étranger ont pris une activité nouvelle que semble désormais excuser l’état d’infériorité ruineuse où le nouveau régime a placé nos pêcheries[1]. Obtenir le rapport de cette convention, en ce qu’elle a de trop onéreux pour nous, serait un véritable bienfait pour des populations entières. Mais l’Angleterre est avertie : depuis la mise en vigueur du traité de 1839, sa pêche a pris une extension considérable ; des localités, dont la misère était proverbiale, sont aujourd’hui dans l’aisance[2], et il est bien à craindre qu’instruite par l’expérience, elle ne veuille renoncer à aucun de ces avantages.

On se plaint généralement que les harengs deviennent plus rares sur nos côtes de la Manche. Le relevé des pêches d’hiver faites à Boulogne pendant les dix dernières années n’indique pourtant pas de diminution sensible. Ce relevé présente seulement dans les résultats annuels une alternance assez régulière, d’où il résulte que les produits

  1. Nos navires trouvent beaucoup plus avantageux d’acheter le poisson aux Écossais que de le pêcher eux-mêmes. Le hareng est tellement commun dans les mers d’Écosse, que dans certaines localités on s’en sert pour fumer les terres. Les pêcheurs de cette nation cèdent aux nôtres une tonne de harengs tout salés pour le prix de 4 à 6 shellings, c’est-à-dire de 5 fr. à 7 fr. 50 cent. (Renseignemens communiqués par M. Despouy.)
  2. Renseignemens fournis par M. Demarle.