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un magnifique écho de la voix de Grégoire VII, était dans sa vie privée un pauvre et saint moine. Sous les splendides vêtemens du pontife il portait le cilice et la robe de laine du frère prêcheur ; il dépensait un testone par jour pour sa nourriture, il édifiait les Romains par son humilité, sa charité ; sa mansuétude, et se laissait mourir de la gravelle, martyr d’un scrupule de chasteté. Tel fut le grand pape du XVIe siècle. En retraçant cette mémorable figure d’une époque si mémorable, on voit que M. de Falloux n’a pas rendu à l’histoire un moindre service qu’au sentiment religieux. Une pareille étude était aussi digne de l’homme politique que du chrétien.

On comprend maintenant comment le principe d’autorité se releva des blessures que lui avait portées la réforme ; pour en avoir l’explication plus complète, il faut considérer un instant les rapides effets du principe contraire au sein du protestantisme. Trois causes affaiblirent promptement le protestantisme : les excès de son principe, les luttes sanglantes produites dans son propre sein par la division des opinions, la diversité et la mobilité des intérêts politiques des gouvernemens qui l’avaient adopté. La force d’enthousiasme de la réforme s’épuisa par les excès licencieux du libre examen « Je vois les nôtres, écrivait Théodore de Bèze découragé à un ami, errer à la merci de tout vent de doctrine, et, après s’être élevés, tomber tantôt d’un côté, tantôt d’un autre. Ce qu’ils pensent aujourd’hui de la religion, tu peux le savoir ; ce qu’ils en penseront demain, tu ne saurais l’affirmer. » L’emportement des novateurs alluma, du vivant même de Luther, les guerres sociales. La réforme eut ses socialistes en Allemagne dans les anabaptistes de Jean de Leyde, dans les paysans de Munzer, comme elle devait les avoir plus tard en Angleterre dans les niveleurs. La seule guerre des paysans fit périr plus de cent mille hommes. Ainsi, tandis que le catholicisme avait l’unité de doctrine par les décisions du concile de Trente, l’unité d’action par la papauté, les docteurs protestans passaient leur vie à réfuter, et les princes protestans à combattre ou à persécuter des sectaires qui, après tout, étaient aussi bons protestans qu’eux-mêmes. Les églises protestantes n’étaient d’ailleurs que des églises nationales. Les cultes réformés étaient comme des institutions locales qui ne pouvaient se comprendre ni s’acclimater hors du territoire où ils régnaient. Leur prosélytisme ne dépassait pas les frontières politiques. L’Angleterre qui était politiquement à la tête des intérêts protestans en Europe, n’entretint aucun séminaire de propagande, n’envoya aucun missionnaire sur le champ de bataifle où se conquièrent les ames. Nous avons vu, au contraire, le catholicisme présent partout, partout identique, obéissant partout à l’impulsion d’un chef qui veillait avec la même sollicitude aux intérêts de l’église dans le Japon ou en Pologne, au Mexique ou en France. Enfin, le mouvement protestant eut la destinée de ces