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l’état, c’est trop et ce n’est rien. C’est trop, si on en fait usage ; l’état entier est ébranlé quand cette colonne chancelle. Ce n’est rien, si on craint de l’employer et qu’on la laisse dormir dans l’oubli. Si elle n’est pas un péril constant, elle est une inutilité complète ; si elle n’entrave pas à tout instant la machine, elle en est un ressort inutile, et c’est pour cela probablement que la monarchie constitutionnelle avait trouvé plus prudent et aussi commode de s’en passer. L’assemblée a donc senti que, si elle s’en tenait à cette garantie, rien ne serait sauvé, et qu’elle n’en disparaîtrait pas moins dans l’ombre du président.

De quoi se sont avisés alors nos professeurs-jurés de république ? Ils n’ont rien su faire de mieux que d’emprunter à la monarchie constitutionnelle le rouage d’un ministère responsable, pris dans la majorité du corps législatif. La fameuse théorie du gouvernement parlementaire qui a renversé une dynastie et ébranlé l’autre, le fameux axiome roi le règne et ne gouverne pas, tout ce mécanisme compliqué d’une institution déchue, ils ont été le déterrer sous les cendres encore fumantes des palais royaux. Le président, ont-ils dit, ne pourra gouverner qu’avec le concours de l’assemblée, dans le système politique, avec les hommes qu’elle lui indiquera. Ce ne sera pas assez que sa personne ait la majorité dans les élections, il faudra encore que son ministère ait la majorité dans l’assemblée. Faire un roi du président de la république, c’est là ce que des républicains ont imaginé de plus ingénieux.

Malheureusement les choses se tiennent mieux en ce monde que les idées dans les cerveaux républicains : les faits ont une logique dont ils firent impitoyablement les conséquences en dépit de la déraison des hommes. On ne peut prendre au hasard la moitié d’une institution pour la greffer sur une autre. Chaque forme de gouvernement a ses principes constitutifs, et, si on les mêle, on aboutit rapidement au chaos. Le système des majorités parlementaires, fort contesté, on s’en souvient, dans les monarchies mêmes, avait pourtant son explication, peut-être sa nécessité, et du moins son tempérament dans la nature et les conditions mêmes du principe monarchique. Transporté brusquement dans un gouvernement républicain, rien ne saurait ni égaler ni peindre la confusion d’idées qu’il y produit. Il ne correspond plus à rien ; il entrave tout, il double tous les périls ; il paralyse tous les moyens de salut. Il fait un monstre qui ne peut pas vivre avec une tête monarchique et un corps républicain :

Desinit in piscem mulier formosa superne.

Réfléchissez un peu, en effet, aux motifs qui portaient tant d’hommes distingués et d’esprits libéraux imposer rigoureusement à la monarchie la loi des majorités parlementaires. Il n’en est pas un seul qui ne soit pris dans le caractère permanent, héréditaire, inviolable du chef d’un été dans un pays monarchique ; il n’en est pas un seul, par