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GS8 REVUE DES DEUX MONDES. LE CURÉ, souriant. La foudre enflamme jusqu’aux cendres, Madeleine, et vous serez frappée de la foudre. Allez en paix, mon enfant. MADELEINE, se levant. Un seul mot, monsieur le curé : de quel amour me parlez-vous? Y a-t-il donc un amour qui puisse être béni de votre Dieu, s’il n’est conforme à la morale du monde et appuyé sur la sanction religieuse, ou bien pensez -vous que je puisse aimer jamais un homme qui aurait la lâcheté de m’épouser? LE CURÉ. Cest me presser beaucoup, ma fille; je vous répondrai pourtant, et que la faute retombe sur moi seul, si je me trompe. — Les âmes que le monde a égarées en violant les lois de Dieu, Dieu les retire à lui, s’il lui plaît, en dehors des lois du monde. MADELEINE. Mon père, si un sentiment profondément éprouvé pouvait me donner la foi, le respect que vous m’inspirez eût fait ce miracle. LE CURÉ. Quand vous inspirerez vous-même ce respect à un honnête homme que vous aimerez, alors, Madeleine, je vous reverrai consolée et croyante. MADELEINE. Jamais, mon père. Adieu. (Elle sort.) Dans l’église. Madeleine traverse la nef lentement; arrivée près du bénitier, elle s’arrête et jette autour d’elle des regards curieux et inquiets. Un sacristain allume les ciei^es d’un autel voisin; elle va à lui. MADELEINE. Mon ami, n’avez-vous point vu, il y a une demi-heure environ, un jeune homme qui était là, près de ce pilier? LE SACRISTAIN, d’une VOIX faible et dolente. Quel piHer? MADELEINE. Ce pilier que voilà. Un jeune homme? Oui. Comment s’appelle-t-il? LE SACRISTAIN. MADELEINE. LE SACRISTAIN. MADELEINE. Il ne s’appelle pas, pour moi du moins... Enfin, l’avez-vous vu, oui ou non? LE SACRISTAIN. Attendez,... attendez donc :... c’était peut-être M. le curé;... mais il n’est pas jeune, ma bonne dame... 11 est encore bien vif pour son âge, M. le curé, c’est vrai,... mais il n’est pas jeune. MADELEINE. Je ne vous parle pas du curé : je vous parle d’un jeune homme, en noir, qui était là, et qui devait m’attendre, à ce que je croyais.