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des chemins ; il est indispensable d’occuper par toutes les formes de la littérature la curiosité des imaginations, exposées à se laisser séduire par les fausses maximes et les fausses espérances. L’un des esprits les plus francs et les plus étendus de ce temps-ci, M. Miguet, doué d’ailleurs du don d’écrire avec une clarté ingénieuse et vive, qui est chez lui l’éclat du bon goût, a pratiqué avec succès ce devoir de la pensée comme historien de Franklin, dont il a su mettre en relief la sagesse si simple, si profonde, et la vie pleine d’exemples pour toutes les situations humbles ou grandes. C’est du bon sens en action, et aucun enseignement populaire ne saurait être plus intelligible et plus profitable, parce qu’il est de nature à éveiller des réflexions vraiment saines sur la dignité de l’homme, sur la puissance du travail, et qu’il trouve journellement son application dans les vicissitudes des existences laborieuses. On ne doit pas moins de reconnaissance au traité lumineux de M. Troplong sur les principes et le caractère de la propriété d’après le code civil : c’est un commentaire rapide et profond des lois fondamentales de la société dégagées des formules trop abstraites, et, en somme, un essai très heureux de jurisprudence populaire. M. Hippolyte Passy, M. Charles Dupin, M. Barthélemy Saint-Hilaire, ont su également mettre des connaissances très étendues, une dialectique serrée et droite dans l’explication des causes de l’inégalité des richesses, des moyens de bien-être et de concorde, et dans l’exposé des conditions de la vraie démocratie. Je dois pourtant l’avouer, j’approuve ces écrits distingués encore bien plus en raison de ce qu’ils promettent et de ce qu’ils annoncent que pour le service qu’ils rendent dès à présent à la société. Je suis loin de penser que ces essais de philosophie, d’histoire, d’économie et de politique populaires satisfassent aux exigences d’une situation morale, politique et économique nouvelle dans le monde. Ce mouvement d’opinion dont je découvre le principe dans les instincts nouveaux du pays, réveillé d’un long sommeil et inquiet de l’avenir, aussi bien que dans les préoccupations de la science, dans le travail intellectuel des moralistes les plus éminens et des philosophes les plus capables de se faire écouter, ce grand mouvement d’idées a donc besoin d’être promptement secondé. Pour qu’il soit véritablement puissant et qu’il entraîne l’esprit public dans son cours, il a besoin de recevoir une impulsion peut-être plus vigoureuse, plus décidée, plus hardie que celle des Petits Traités. Il est nécessaire que la pensée dont ces écrits sont empreints se dessine encore mieux, prenne plus de clarté et plus de résolution, et il ne suffit pas qu’elle soit embrassée par quelques écrivains de grand mérite : il faut qu’elle passe de la spéculation dans les faits, qu’elle passionne et qu’elle émeuve la génération nouvelle ; il faut qu’elle devienne la règle, le mobile et le but de la science moderne.