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Cherchel et de Miliana. Il faut que nos colonnes reprennent l’offensive. Trois mois d’opérations incessantes, pénibles, obstinées, nous rendent les anciennes soumissions et un assez grand nombre de nouvelles.

L’émir, lâchant pied devant nous, s’était retiré dans la région des hauts plateaux, où l’Ouarsenis le protégeait comme une immense barrière, et d’où il agissait à la fois par les deux extrémités de sa base contre nos subdivisions de Médéah et de Mascara. Il était difficile de l’atteindre à une si grande distance ; il était impossible de l’y laisser en repos. Dès-lors on dut se mettre en mesure d’occuper les plateaux supérieurs. Cette nécessité de suivre au loin un peuple qui se dérobe, d’occuper tous les points dominateurs, de verser sans fin des légions et des trésors sur un champ qui s’élargit sans cesse, est la fatalité de ce genre de guerre ; c’est l’expiation des peuples conquérans. L’Angleterre en a fait la ruineuse expérience dans l’Inde ; aujourd’hui même de nouvelles attaques la condamnent à élargir, encore la base déjà exagérée de sa puissance. En Algérie, du moins, la force d’expansion qui nous est nécessaire pouvait être calculée. La logique de la stratégie nous avait amenés du littoral dans les plaines, des plaines sur les montagnes ; elle allait enfin nous conduire à la lisière du Tell, mais ce devait être le dernier pas en avant. L’étude politique et topographique du pays nous avait appris qu’il serait inutile d’aller plus loin, parce que la possession des céréales du Tell placerait sous notre dépendance absolue les peuplades sahariennes. Les postes avancés de Boghar, Teniet-el-Ahd, Tiaret, Saïda, Daïa et Sebdou furent fondés. Ils eurent pour effet d’asseoir solidement notre domination dans la région la plus belliqueuse, d’y assurer notre surveillance armée jusqu’aux confins du petit désert.

De si larges combinaisons devaient faciliter des fait d’armes également glorieux pour les généraux qui conçurent et pour les troupes qui exécutèrent, il est juste de rappeler une vigoureuse expédition conduite par le général Tempoure, qui eut pour résultat la destruction de 800 guerriers d’élite et la mort de Sidi-Embarek le plus habile lieutenant d’Abdel Kader celui de tous nos ennemis qui répondait le mieux à l’idée que nous nous faisons d’un homme de guerre. On sentira également l’importance d’un coup de main, audacieux jusqu’à la témérité, mais qui eut l’excuse du succès. Après avoir franchi plus de quinze heures dans une marche de nuit, le duc d’Aumale surprend, à la tête de 500 cavaliers la zmala, où les Arabes sont réunies en nombre dix fois plus grand. L’émir perd en quelques momens 300 soldats qui tombent sur la place, 4 drapeaux, 1 canon, presque tout son matériel de guerre, presque toutes ses richesses ; il perd 4,000 de ses partisans qui sont emmenés prisonniers ; il perd surtout le prestige qui fait sa force. Cette action d’éclat le réduit, aux yeux des siens, à l’état de partisan traqué ; elle voue à la désolation les familles associées à sa fortune.

Abd-el-Kader n’avait pas été sans pressentir que l’espace et les populations