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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/912

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illusions de la vie. Don Juan et le ministre de ses plaisirs surviennent au milieu de cette folle et simple jeunesse. Après avoir jeté un regard de convoitise sur Zerlina, après avoir éveillé sa coquetterie par des propos galans, il ordonne à Leporello de le débarrasser de la jalousie de Masetto en conduisant tout ce monde dans son château. Leporello, exécute en murmurant les ordres perfides de son maître, et don Juan resté seul avec Zerlina, chante avec elle un duo qui est le joyau le plus adorable qui soit sorti des mains de. Mozart.

Qu’on se figure, par un beau jour de printemps, une allée fraîche et ombreuse où s’infiltre, à travers d’épais feuillages, une échappée de lumière, et au bout de laquelle on aperçoit un magnifique château dans le style de la renaissance. La moiteur de l’air, le murmure lointain des jets d’eau, le silence de la nature, le mystère, tout dans ce paysage charmant invite à la volupté. C’est là que don Juan, beau, jeune, entouré du prestige de la naissance et de l’éclat que donne l’élégance des manières unie à celle du langage, s’efforce de séduire le cœur d’une jeune fille simple et naïve. — Viens, lui dit-il (et nous traduisons ici bien moins le sens littéral des paroles de da Ponte que l’émotion produite par la poésie de Mozart), viens dans ce château que tu vois là-bas, j’y ferai ton bonheur.

La ci darem la mano
La mi dirai di si.


Tu deviendras la compagne de ma vie, j’entourerai ta personne de toutes les splendeurs de la fortune, tu seras la plus enviée de toutes les femmes. — Ces paroles qu’il glisse dans l’oreille attentive de la jeune fille la pénètrent et l’énervent comme un fluide mystérieux. Jamais le serpent fabuleux, jamais le tentateur armé de la ruse infernale n’enveloppa sa victime d’une séduction plus redoutable. Aussi la pauvre Zerlina, émue, fascinée par la puissance inconnue de ce doux langage, se sent-elle ébranlée jusqu’au fond du cœur. Elle répond en hésitant et les yeux à demi clos, comme pour éviter la trop vive clarté du bonheur auquel on la convie :

Vorrei, e non vorrei
Mitrema un poco il cor.


« Viens, viens, suis-moi, ô ma bien-aimée, réplique don Juan. — Mais que deviendra le pauvre Masetto ? — Laisse là les scrupules d’une pitié vulgaire, viens loin de la foule goûter les délices d’un éternel amour. » Subitement enivrée d’un rayon de folle espérance, Zerlina s’écrie avec transport : Andiam ! et ils s’enfuient et se perdent dans un lointain lumineux, parsemant l’espace de leurs joyeux accens,

Quali colombe dal desio chiamate.