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aux particuliers environ 15,500 hectares de prairies naturelles plus ou moins nettoyées ; les cultures militaires en renferment au moins 5,000 hectares. Les colons vendent à l’état les deux tiers de leur récolte ; l’autre tiers est mis en réserve pour les fermes, ou vendu en détail. Il n’y a pas d’exagération à élever le produit brut de toutes les prairies exploitées jusqu’à ce jour à la somme de 3 millions, sur laquelle il y aurait à rabattre environ la moitié, si on voulait évaluer approximativement le produit net. Malheureusement l’agiotage s’est jeté sur les fourrages comme sur les terrains. On sait que chaque année l’administration fait publier qu’elle achètera une quantité de fourrages à un prix dont elle prononce à l’avance le maximum. Chaque agriculteur doit être admis à livrer une quantité de foin proportionnée à l’importance de ses travaux, en vertu de certificats délivrés par les maires à leurs administrés ; mais il est arrivé que beaucoup de colons, au lieu de cultiver, ont vendu leur droit de livraison à des spéculateurs qui ont ainsi accaparé le privilège d’approvisionner les magasins militaires. La hausse et la baisse se sont établies sur les certificats qui ont circulé de mains en mains, de sorte que l’encouragement offert à la culture a souvent profité à des gens qui ne cultivent pas. Il serait à désirer que les colons n’abusassent pas ainsi des ressources que leur offre une merveilleuse végétation. Qu’est-ce qu’une prime, absorbée en partie par l’agiotage, comparée aux chances que leur offrirait une exploitation bien conduite ? Le bétail manque en Algérie, pour les travaux agricoles comme pour la consommation. Il y a là un besoin urgent à satisfaire ; il y a des bénéfices à réaliser, non pas, comme on le répète inconsidérément, en se contentant d’entretenir des herbages pour y nourrir des animaux, mais en faisant entrer l’élève du bétail dans les combinaisons d’une grande et riche culture.

Sur les 50 millions votés par l’assemblée nationale et destinés à fonder des colonies agricoles, 15 millions, employés déjà, ont enrichi les départemens algériens d’une vingtaine de villages nouveaux et d’environ 12,000 habitans. Nous éprouvons quelque embarras à caractériser une expérience qui commence, et qui conserve encore le prestige de la popularité. Prise au moment où il fallait faire diversion à la guerre civile, la mesure a une portée politique qui, sera son excuse. Quels qu’en soient les résultats définitifs, si nous la jugeons en elle-même et comme moyen de colonisation, elle ne nous laisse pas sans inquiétude. Nous avons déjà déploré l’ignorance où l’on est généralement en France sur tout ce qui concerne l’Afrique française. C’en est une triste preuve que ce vote de 50 millions pour recommencer sur la plus vaste base une expérience qui se poursuit depuis dix ans avec un succès fort contestable. La différence qui pourrait exister entre les villages créés et peuplés par l’état, suivant les modes divers que nous avons décrits plus haut, et ce qu’on