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d’après l’évaluation exagérée du tarif des douanes françaises, représenteraient 5,472,000 francs, et qui ne valent, en réalité, que la moitié de cette somme ; les tissus de soie figurent pour 3,539 kilogrammes, dont la valeur douanière est de 424,000 francs, et la valeur réelle de moitié ; les divers tissus de laine, pour 20,225 kilogrammes, qu’on peut évaluer à 400,000 francs[1].

Il existe enfin, outre les 34 marchés soumis à la police européenne, des marchés purement arabes, sur lesquels notre action est indécise, et dont l’importance ne nous est pas encore pleinement révélée. Telles sont les haltes du petit désert, ou les nomades du Sahara se rencontrent avec les Arabes du Tell pour leurs grands échanges. Le régime habituel des tribus sahariennes ne serait pas assez substantiel sans les grains que leur sol desséché ne leur fournit pas ; elles ont besoin de blé, non comme base de nourriture, elles ne seraient pas assez riches pour acquérir les quantités nécessaires, mais pour la préparation de certaines pâtes, mélangées de miel et d’arome, qui tiennent place dans leur alimentation ordinaire. Elles achètent donc des céréales, et, par occasion, des objets européens qui sont de luxe pour elle, tels que des tissus de coton ou de soie, des outils, de la quincaillerie, des épices, de la bijouterie. Leurs moyens d’échange consistent en dattes, laines filées ou toisons, étoffes à l’usage des Arabes, tissus en poil de chameau pour la confection des tentes. Elles ont encore le monopole des produits de l’Afrique centrale, plumes d’autruche, poudre d’or, aromes, matières tinctoriales. Quoique la France n’intervienne pas directement dans ces transactions, il est incontestable qu’elle en recueille quelques fruits.

Il ressort de ces détails une preuve nouvelle d’un fait qui a déjà été signalé, c’est que les Arabes prennent goût à l’existence européenne. Les denrées exquises de nos colonies, les étoffes de nos fabriques, transportées sous la tente, au sein des familles, y introduisent une sorte de luxe qui passera peu à peu dans les habitudes et corrigera l’âpreté des premiers instincts. Ici se produit un phénomène économique aussi bien fait pour provoquer la curiosité des hommes de théorie que l’application des hommes d’état. Au point de vue commercial, les habitans de la France africaine se trouvent à notre égard dans la situation où nous nous trouvons nous-mêmes relativement aux nations chez lesquelles nous plaçons nos produits. Cette vente de 30 à 40 millions que notre présence assure est, pour ainsi dire, le commerce étranger des Arabes. La population algérienne étant douze fois moins nombreuse que la population française, si l’on multiplie par douze les 35 millions de denrées

  1. Nous ferons remarquer, pour être exact, que le second trimestre de l’année, coïncident avec la fin des moissons, est peut-être une époque préférée pour les échanges.