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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/962

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LES


PAGES DE JEUNESSE


DE


M. DE LAMARTINE.




Il y a des souvenirs qui devraient demeurer enfouis dans un éternel silence ; la vie du cœur est un livre dont les pages n’appartiennent pas à l’indiscrète curiosité des indifférens. Le meilleur, le plus sage parti est de sceller ces pages douloureuses ou bénies sous un triple sceau, de les garder comme un trésor, de les consulter aux heures solennelles, aux heures d’épreuves, dans le recueillement et la solitude. Plus d’une ame aux prises avec une réalité cruelle s’est trouvée subitement régénérée par un retour silencieux sur le passé. En consultant sa conscience, en se rappelant jour par jour toutes les espérances enivrées, toutes les amères déceptions de sa jeunesse, elle s’est aguerrie contre les espérances nouvelles qui voulaient l’abuser, ou, si elle n’a pas su résister au charme tout-puissant de ces nouvelles espérances du moins elle a prévu les déceptions qui l’attendaient, elle a marché courageusement au-devant de la douleur, et le souvenir des blessures que le temps avait déjà cicatrisées lui a plus d’une fois enseigné l’indulgence et le pardon. Oui, je le crois sincèrement, il est bon, il est salutaire de ranimer, de réchauffer les cendres du passé, de chercher sous cette poussière qui a vécu le fantôme de nos jeunes années, d’interroger ces ruines et de rebâtir par la pensée l’édifice entier des jours évanouis ; il n’y a ni faiblesse ni lâcheté à compter les larmes que nous