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et sévère. Elle a suscité une postérité aux grands hommes de 93, et elle nous a livré, comme une étude à faire sur le cœur humain, des montagnards nouveaux à observer. Un peu plus de faiblesse chez la partie honnête de la société, quelque défaillance chez une légion de garde nationale et l’on arrivait de plein saut, par une manifestation de populace à cette profonde combinaison de la terreur qui avait fait pâlir d’admiration tant de faciles historiens. Nous avons pu voir, ce jour-là, que le crime ne descend pas des hauteurs de l’intelligence, mais qu’il s’élève, comme une vapeur infecte, des régions immondes et basses de la société et de l’ame.

Détournant même nos yeux de cette exécrable imitation et nous gardant de toute confusion inique et fâcheuse entre notre convention national et sa détestable devancière, il semble que le spectacle donné cette année même par le mécanisme et les procédés d’une assemblée unique et souveraine nous a livré, avec quelque clarté, le secret de ce qu’il y avait encore d’étonnant pour nous dans les œuvres de la convention. Nous avons pu voir à l’épreuve que, s’il n’y a rien de plus tyrannique qu’une telle assemblée, il n’y a rien non plus qui soit moins véritablement souverain, rien qui gouverne moins et soi-même et les autres, rien, par conséquent, qui puisse moins revendiquer l’honneur d’une conduite régulière et d’une action efficace. Une telle assemblée, ne trouvant en elle-même ni temps d’arrêt ni contre-poids, ne peut ni résister à la pression du dehors, ni commander à ses propres passions ; elle est l’esclave de l’opinion et la proie des divisions intestines. Un courant l’emporte sans cesse pendant qu’un feu la dévore. Dans les actes d’une assemblée de cette nature, il faut toujours distinguer, par conséquent, ce qu’on lui fait faire et ce qu’elle fait elle-même. Ce qu’on lui fait faire peut être bon ou mauvais, grand ou abject, héroïque ou atroce, suivant que les passions du public poussent dans tel sens ou dans tel autre avec tel ou tel degré de force. Ce qu’elle fait porte toujours les traces de l’irréflexion, de l’inconsistance et de l’emportement. Ce qu’on a fait faire, par exemple, à notre assemblée nationale, nous le savons : c’est la résistance de juin commencée par une légion de Paris et soutenue par le flot toujours grossissant des gardes nationales de France ; ce qu’on lui a fait faire encore, c’est la réparation lente, imparfaite, insuffisante des injustices et des folies du gouvernement provisoire. Ce qu’elle a fait de son propre chef, c’est une constitution bâtarde, empruntée de tous les régimes, où tant de forces contradictoires sont aux prises, qu’entre leurs impulsions opposées la machine ne peut faire un pas ; ce sont des lois organiques qui ont désorganisé deux ou trois de nos grandes institutions respectées par l’orage. La différence de ces deux séries d’opérations a été sensible pour tout le monde. À la première, le pays entier s’est associé avec enthousiasme