Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/1063

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’une réalisation moins malaisée, les comptoirs d’exportation étaient de véritables banques de près sur dépôts de marchandises qui ne paraissaient pas non plus de nature à renouer la chaîne des transactions interrompues. Je n’entends pas dire que nos armateurs, même dans les momens les plus favorables, trouvent à un prix modéré les capitaux dont ils ont besoin. À 5 ou 6 pour 100 d’intérêt s’ajoutent 2 et demi pour 100 sur les valeurs exportées que les préteurs ont pris l’habitude de stipuler à leur profit. S’il s’agit des rares opérations au-delà du cap de Bonne-Espérance, les lettres de crédit ne peuvent se négocier qu’à Londres, et toujours moyennant de nouvelles remises : frais écrasans, dont un allégement quelconque serait un bienfait pour notre marine marchande. Pourtant, en 1848, la cherté des capitaux n’était pas la cause de la désolation des ports ; l’inertie absolue des affaires dérivait principalement de l’état du marché intérieur et de la situation des colonies. Quelle aurait été l’influence de quelques banques spéciales sur ces invincibles obstacles ?

Le gouvernement écarta en masse tous les plans relatifs à des compagnies et à des comptoirs d’exportation. Il recourut, au contraire, aux systèmes des prêts directs, des commandes, des établissemens de crédit et des primes. Comment a-t-il usé de ces moyens de soulagement et quels résultats en a-t-il obtenus ?

L’aide de l’état, sous forme de prêts, n’a été accordée qu’à deux industries parisiennes, celle des meubles et celle des bronzes, et aux associations formées soit entre ouvriers, soit entre patrons et ouvriers. Outre les inconvéniens inhérens à ce mode d’assistance, il y avait une raison décisive d’en écarter l’emploi, au moins sur une grande échelle. Était-il possible de subvenir, avec l’argent du trésor, aux immenses besoins auxquels la crise avait donné naissance ? Toutes les ressources dont le gouvernement pouvait disposer n’auraient pas suffi pour combler le gouffre. Alléguer l’exemple de 1830 et des 30 millions avancés alors au commerce, c’était méconnaître la profonde différence de deux crises, dont la dernière tient beaucoup plus à une perturbation sociale qu’à une révolution politique. Des deux industries particulières auxquelles le décret du 1er septembre 1848 affectait 600,000 francs (400,000 francs pour les meubles, 200,000 fr. pour les bronzes), une seule, celle des meubles, a pu largement profiter du crédit. Les conditions dans lesquelles elle s’exerce répondaient beaucoup mieux que celles de l’industrie des bronzes aux intentions du décret, qui avait en vue les petits fabricans travaillant en chambre avec un ou deux compagnons ou apprentis[1]. Le montant des prêts obtenus par les ébénistes s’élevait, au 31 mars 1849, à la somme d’environ 160,000 francs, répartie entre deux cent soixante à deux cent quatre-vingts déposans, sur cinq cent vingt-sept dépôts. Il n’avait été alloué sur le crédit des bronzes qu’environ 18,000 francs à vingt déposans, sur vingt à vingt-cinq dépôts.

On connaît les objections qu’a suscitées le principe consacré par le décret du 5 juillet 1848 relatif aux associations ouvrières. En ménageant aux ateliers exploités par ces associations certains avantages spéciaux, on plaçait dans des conditions défavorables les établissemens de même nature appartenant soit à

  1. La répartition des prêts a été confiée à une commission de sept membres, et l’intérêt de ces prêts fixé à un centime par jour (3 fr. 65 cent. pour 100 par an), auquel s’ajoute un droit d’emmagasinage de 2 1/2 pour 100.