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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/1078

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groupes nombreux se forment autour des chasseurs et des vieux aventuriers. On écoute d’une oreille avide des relations de chasses aux bisons, de combats avec les tribus sauvages des déserts de l’ouest, de rencontres avec les ours ou les serpens à sonnettes, et mille autres histoires merveilleuses que les Bas-de-Cuir des frontières ont toujours en réserve dans leur mémoire.

En trois jours, M. Kendall a fait tous ses préparatifs de voyage ; il est armé, monté, équipé, puis il se met en route pour Austin. À vingt milles de cette bourgade, il est reçu dans une habitation où s’offre à lui un terrible exemple des mauvais traitemens auxquels un touriste imprudent est exposé dans les prairies. Un des membres de la famille qui l’accueille porte sur son crâne le témoignage ineffaçable de la férocité des Indiens nomades. À la suite d’une escarmouche avec ces sauvages, il a été laissé pour mort, puis scalpé, et sa chevelure orne, à l’heure qu’il est, les mocassins ou le calumet de quelque dandy romanche. Une telle rencontre est de mauvais augure au début de l’excursion que projette M. Kendall. L’intrépide voyageur n’en poursuit pas moins son chemin : l’intérêt de sa santé ne lui permet sans doute pas d’hésiter.

À Austin, un voyageur anglais, M. Falconner, attire aussi l’attention du touriste américain. M. Falconner a toutes les qualités, il n’a aucun des défauts du caractère anglais, et M. Kendall ne tarde pas à lier connaissance avec lui. Le gentleman anglais possède au plus haut degré l’esprit de précaution particulier à ses compatriotes. Outre le fusil à deux coups qu’il porte en route sur ses épaules, il est chargé de tout un assortiment d’ustensiles qui pendent en festons à sa ceinture ou à la selle de sa mule. Il est armé, comme de toutes pièces, d’un jambon, d’une théière, d’une demi-douzaine de tasses, d’un sac de biscuit, d’une gourde, d’une paire de pistolets, de livres et d’instrumens scientifiques. Puis, pour qu’aucune préoccupation fâcheuse ne vienne troubler ses rêveries de voyageur, M. Falconner a pris à gages un chasseur texien, qui n’a d’autre devoir à remplir auprès de lui que de le retrouver, dans le cas où il viendrait à s’égarer dans le désert. Tom Hancock (c’est le nom du garde du corps du touriste anglais) est lui-même un type curieux, qui n’a rien à envier aux plus piquantes créations des romanciers. C’est un homme de cinq pieds huit pouces environ, mais que sa taille voûtée et son allure nonchalante font paraître plus petit ; rien ne laisse deviner chez lui la vigueur et la force de résistance dont ses muscles sont réellement doués. Ses membres, dépourvus de toute symétrie, paraissent, pour ainsi dire, disloqués. Son œil est si enfoncé sous les sourcils, qu’on n’en peut deviner la couleur. C’est là Tom Hancock au repos ; mais à l’occasion, quand il redresse sa haute taille, quand la commotion électrique du danger vient