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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/11

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LES SQUATTERS


SOUVENIRS D’UN ÉMIGRANT.




PREMIÈRE PARTIE.




J’ai sous les yeux des lettres écrites des points les plus opposés de l’Amérique du Nord, par un jeune émigrant dont la révolution de février a brusquement déplacé l’existence. Dernier rejeton d’une famille historique, George de L… n’était pas un de ces esprits inquiets que l’influence d’une étoile errante pousse de contrée en contrée à la poursuite de quelque chimère. D’un caractère tranquille et rêveur, ennemi de tout changement, il était de ces hommes qui regardent la vie couler comme un fleuve, sans s’inquiéter d’où viennent ses eaux, sans se demander où elles iront se perdre. C’est à la nécessité qu’il avait obéi en quittant la France après avoir recueilli à la hâte les débris de son patrimoine. Il avait disparu sans que personne eût été informé de son départ ; quand, les premiers jours de trouble passés, la société, un peu remise de son émoi, avait pu compter ses morts et ses blessés, alors seulement les amis de George de L… avaient remarqué son absence. Bientôt cependant j’avais eu de ses nouvelles, et les premières lettres qu’il m’écrivit ne furent qu’une sorte de prélude à une assez volumineuse correspondance où il y avait à la fois l’abandon d’un journal de