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sa tentative d’évasion. L’homme marchait toujours quand, à l’angle de la place, les soldats le mirent à genoux de force, la tête tournée vers la muraille ; puis, six d’entre eux s’arrêtèrent et levèrent leur fusil. Le mot : feu ! fut prononcé, et la malheureuse victime, fusillée par derrière, mais mal ajustée par des mains inhabiles, se débattit dans l’angoisse de l’agonie. Le caporal s’approcha du moribond et déchargea sur lui un pistolet à bout portant. L’immobilité de la mort succéda aux convulsions ; mais les habits du cadavre, enflammés par le feu du pistolet, fumaient encore, quand un fort détachement vint tirer de leur prison les Américains terrifiés. Les prisonniers suivirent leurs gardiens qui marchaient en silence ; après avoir traversé la place, ils reçurent l’ordre de se mettre en rang, à quelques pas du cadavre, le long d’une étroite et sombre maison percée d’une seule fenêtre, avec défense expresse, sous peine de mort, de faire le moindre mouvement, Bientôt Armijo traversa la place et s’approcha de la fenêtre ; un prisonnier inconnu se tenait derrière les barreaux, et le gouverneur montrait du doigt les Américains, l’un après l’autre, à ce personnage invisible, en lui demandant des renseignemens détaillés sur chacun d’eux. Les questions étaient faites à assez haute voix pour être distinctement entendues de tous ; mais la voix qui faisait les réponses n’arrivait qu’aux oreilles du gouverneur. Et cependant les prisonniers écoutaient avec une curiosité poignante. Parfois il leur semblait distinguer les accens d’une voix aimée et connue ; mais ce n’était qu’une illusion, pénible bientôt dissipée. Le seul fait certain était que la justice homicide du gouverneur allait suivre son cours, et que chaque parole qui s’échangeait entre le général et le prisonnier invisible pouvait être un arrêt de mort.

Quand ce douloureux interrogatoire fut terminé, Armijo s’avança d’un pas lent vers les Américains pour rendre un verdict qu’on savait sans appel. Un silence de mort s’établit pendant que les prisonniers attendaient ce verdict, le cœur serré et les yeux fixés sur le cadavre de leur compagnon, dont les habits fumaient encore au milieu d’une mare de sang. — Messieurs, dit enfin Armijo en s’adressant aux Américains, vous ne m’avez pas trompé hier. Don Samuel a confirmé vos déclarations, ses paroles ont sauvé votre vie ; mais don Samuel doit mourir, car il a tenté de s’évader. Dans cinq minutes, don Samuel va être fusillé.

Qui pouvait être ce don Samuel dont le témoignage bienveillant avait sauvé la vie à ses compatriotes ? Au moment même où les Américains s’adressaient cette question, le prisonnier, jusqu’alors invisible, sortait, de la maison où il était renfermé. Bientôt il arriva près de ses compatriotes, qui poussèrent un cri de pénible surprise. Cet homme était Samuel Howland, leur ancien guide, celui que mille qualités leur avaient