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de Tranquille, pour commencer mes recherches. Nous nous dirigeâmes du côté du lac que nous avions aperçu la veille de l’une des hauteurs près desquelles la caravane avait fait halte.

— Tenez, me dit le Canadien, voici des traces de roues qui divergent de deux côtés ; suivez l’une de ces deux empreintes, je suivrai l’autre, et probablement l’un de nous deux arrivera à l’endroit où les chariots se sont arrêtés.

Nous nous séparâmes : la ligne d’exploration du Canadien devait le conduire aux bords du lac par une pente unie ; celle que je suivais serpentait au milieu de rochers à pic, aboutissant à la rive opposée. Je marchais les yeux baissés sur le sol pierreux où les chariots n’avaient laissé leurs traces que de distance en distance. Je fus détourné de ma rêverie par le bruit d’une pierre qui rebondit à mes pieds ; je levai la tête, et j’aperçus le vaquero mexicain, qui, depuis l’alerte de la dernière nuit, m’était singulièrement suspect. Les jambes pendantes, une carabine, que je voyais pour la première fois entre ses mains, posée en travers sur ses genoux, il était assis sur le bord d’un rocher qui surplombait à une cinquantaine de pieds au-dessus de moi. Le vaquero me fit signe de venir le rejoindre, et je me rendis à son appel avec l’espoir que peut-être du haut de cette éminence j’embrasserais d’un coup d’œil le lac et ses alentours. Ce ne fut pas sans peine que j’arrivai jusqu’à lui.

— La solitude a bien ses dangers, me dit-il quand je fus à ses côtés. Supposez qu’au lieu d’être arrivé d’hier dans ce pays, votre ceinture fût gonflée de poudre d’or après un long séjour. N’auriez-vous pas tort de vous exposer ainsi dans ces gorges désertes ?

— Je l’avoue, répondis-je ; mais je marchais sans défiance comme un homme que sa pauvreté protége, et puis j’avais tout à l’heure un compagnon qui n’est pas encore bien loin.

— Oui, le chasseur canadien, un homme rompu à la vie du désert. Celui-là du moins ne cherche ici que du gibier ; il ne ressemble pas à ces Américains avides qui s’abattent sur notre beau pays de Californie comme une nuée de vautours.

Le Mexicain, tout en parlant, me montrait du doigt le camp, où régnait une agitation inusitée.

— Que de déceptions parmi tout ce monde, continua-t-il, et combien peut-être de ces gens-là regretteront ce qu’ils ont quitté !

— Comment l’entendez-vous ? demandai-je ; l’or n’est-il pas si abondant qu’on le prétend, ou bien est-il si difficile à trouver ?

— Le métier de chercheur d’or a des périls qu’on ignore, reprit le Mexicain avec un sourire équivoque. Et puis, l’excitation de l’esprit, la fatigue du corps, les exhalaisons de ces cours d’eau qu’on va détourner, les vapeurs de cette terre qu’on va fouiller, la faim et la