Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la souveraineté réside, et le pouvoir chargé d’appliquer à la conduite des affaires les actes émanés de cette souveraineté mouvante. La marine a surtout besoin d’avenir, et ce qui domine, par la force des choses, dans les assemblées législatives, c’est l’intérêt ou la passion du moment.

La difficulté est grave ; elle n’est pas insoluble. La solution s’en trouvera dans une organisation systématique, fondée sur la connaissance de ces deux termes : le maximum d’armement en temps de guerre, le minimum d’armement en temps de paix. Ce sera la mission de l’assemblée législative prochaine de poser ces bases fondamentales et d’édifier sur elles des règles en petit nombre, lesquelles auront d’autant plus de chances d’être efficaces et durables qu’elles seront plus simples. Si l’Assemblée législative ne devait se préoccuper de la marine qu’aux heures où le concours de la flotte sera indispensable à des mesures politiques, il arriverait ce qui est arrivé fréquemment dans le passé, c’est que la marine s’administrerait comme font les prodigues, c’est-à-dire qu’elle vivrait au jour le jour. Si, au contraire, l’assemblée nationale témoignait du souci de l’avenir, on ne demanderait plus à la marine d’accroître ses opérations au moment même où l’on parle de réduire ses ressources. C’est en vue des besoins d’armement maximum pour la guerre que les approvisionnemens à réunir et les travaux à exécuter dans les arsenaux doivent être calculés. Le calcul doit évidemment prévoir aussi le remplacement de celles des consommations qui ont lieu pour les armemens en temps de paix. Fréquemment des circonstances imprévues modifieront ces prévisions. Une division navale à envoyer en Italie, une opération dans la Plata, une mission dans les eaux de la Californie, exigeront tout d’un coup un surcroît d’armemens. Mais alors il sera ajouté aux ressources en raison des opérations. La dépense sera modifiée, les proportions générales ne seront pas altérées.

Un plan systématique une fois adopté et mis en pratique, les officiers, les agens des divers services verront clair devant eux. Ils donneront leur concours à la tâche commune avec d’autant plus de dévouement, qu’ils sauront que ce concours a un but déterminé.

Les procédés administratifs valent suivant qu’on les applique. Dans chaque pays, on critique volontiers ce qui est en vigueur dans le pays, et l’on prend pour objet de comparaison laudative le système analogue appliqué dans le pays voisin. En France, on envie à l’Angleterre son amirauté et son système sommaire d’administration. De l’autre côté du détroit, on admire l’organisation de nos préfectures maritimes, notre contrôle indépendant, la régularité de notre mode de marchés. Bien plus, on préfère notre conseil d’amirauté, qui survit aux mouvemens des cabinets, on le préfère à l’amirauté anglaise, « renouvelée sans cesse, féconde, par cela même, en maux de tous les genres, et n’offrant qu’une mauvaise administration qui se perpétue par ses changemens successifs[1]. »

  1. Nautical Standard, juin, juillet et août 1847, passim.