Scène XI.
Non, sire, en vérité, pas la moindre fatigue. C’est une promenade qui nous a mis en santé, hommes et chevaux ; et nous avions encore assez d’haleine s’il eût fallu pousser plus loin pour l’amour de vous et de M. notre neveu.
Cher connétable, c’est votre vieille amitié qui vous fait oublier la longueur du voyage.
Ajoutez-y que feu mon père m’a taillé des reins comme on n’en fait guère aujourd’hui. Moi, je ne suis bien que sur ma selle, et j’y mourrai, si Dieu le permet.
En attendant, mon cher oncle, il n’est pas nécessaire de vous tenir debout. (Il fait signe aux valets de déposer sur la table les bouteilles et les gobelets.) Asseyons-nous, s’il vous plaît, à cette table.
Pour boire un coup de votre vin ? Je ne demande pas mieux, car j’ai grand chaud. (Se tournant vers ses gentilshommes :) Laissez-nous, vous autres. (Il s’assied ; le roi de Navarre lui verse à boire. Les gentilshommes s’éloignent.)
Tous mes gens sont-ils prêts ?
Oui, monseigneur, et les chevaux aussi.
C’est bien.
Voilà plus d’un an, savez-vous, que nous n’avons passé une heure ensemble ! Que de choses depuis un an ! Dans quel état sont tombées nos affaires ! Ne parlons pas de mes injures personnelles, j’ai coutume d’en faire bon marché ; mais le royaume, ce pauvre royaume, abandonné à ces harpies ! N’y a-t-il pas de quoi vous faire saigner le cœur ?
Dites plutôt, connétable, nous mettre la dague au poing. C’est la guerre, voyez-vous, la guerre seule qui nous fera justice.