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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/541

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des forces militaires autrichiennes en Italie se laisseraient-ils long-temps provoquer sans répondre par quelque acte de représaille qui, bon gré mal gré, engagerait la politique de leur gouvernement ? Enfin, que ne pas craindre des menées de tant d’agens anglais dont la déplorable influence se faisait sourdement sentir sur tout le littoral italien ? Préoccupés des mêmes pensées, le ministre des affaires étrangères à Paris et notre ambassadeur à Rome méditaient sérieusement les mesures qu’un prochain avenir allait peut-être rendre bientôt nécessaires.

Le 7 septembre, M. Rossi écrivait à M. Guizot :

« Ce que les masses veulent aujourd’hui sont : les réformes et le respect de l’indépendance. Sans doute, ce second sentiment, qui est aujourd’hui profond, général et développé, n’est pas favorable à l’Autriche ; sans doute, il est à prévoir que les réformes contribueront peu à peu, successivement, à le développer davantage encore. Qu’y faire ? À moins qu’on ne prétende exterminer l’Italie et en faire une terre d’ilotes. Il faut bien se résigner à ce qu’un avenir plus ou moins lointain révèle ce qui est dans son sein.

« Seulement on peut s’y préparer peu à peu et garder en attendant les bénéfices du présent. On ne doit surtout pas exciter des crises prématurées qui, quelle qu’en soit l’issue, seraient funestes ou dangereuses à tout le monde. Or, c’est là ce que paraît faire l’Autriche en se mettant en évidence, en provoquant le sentiment national par des mesures qui irritent sans effrayer, et surtout en s’attaquant, sans aucun motif plausible, au chef de l’église[1]. »

Le même jour, M. Guizot écrivait à M. Rossi une lettre particulière, dans laquelle, allant au-devant de la pensée de son agent, il passait en revue les différentes hypothèses où il y aurait lieu de prendre au sujet de l’Italie des mesures de précaution graves. Il les énumérait ainsi :

« 1° Si les Autrichiens rentrent à Ferrare dans le statu quo qui avait précédé l’occupation de la ville, alors point de difficulté ;

« 2° Demande de médiation du pape. Cette hypothèse a déjà été prévue et résolue ;

« 3° Si les Autrichiens entrent dans les états romains sans le gré du pape, nous sommes prêts à entrer de notre côté, sauf à voir par quel point. Il serait essentiel que le pape provoquât de lui-même cette intervention, qui serait une garantie pour lui ;

« 4° Ailleurs que dans les états romains, à Florence, à Modène, Parme ou Lucques, les Autrichiens entreraient à la suite de quelque insurrection ou autrement, sur la demande des gouvernemens légitimes, ou sans leur consentement : c’est le cas le plus embarrassant. Si les puissances secondaires de l’Italie chez lesquelles les Autrichiens interviendraient nous demandaient d’intervenir à notre tour, et ce serait leur intérêt, nous aurions un motif et un droit, mais cela serait grave. Que pense M. Rossi des solutions à donner à ces différentes

  1. Dépêche de M. Rossi à M. Guizot, 7 septembre 1847.