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les signes d’une grande effervescence des esprits, obstinément entretenue par des meneurs dont les projets ultérieurs se laissaient confusément entrevoir. Ce fut sur ces entrefaites que M. Bresson, se rendant à son poste de Naples, où il avait été récemment nommé ambassadeur, traversa tous les états de l’Italie. Il avait ordre de ne perdre aucune occasion de s’expliquer avec les souverains italiens et avec leurs ministres sur la vraie politique de la France. Le rôle considérable que M. Bresson avait joué dans les transactions diplomatiques les plus importantes et sa valeur personnelle donnaient à ses paroles le plus grand poids. Il s’appliqua à ne laisser nulle part aucun doute sur la pensée du cabinet français. Ses conversations avec les souverains pouvaient se résumer ainsi : « Hâtez-vous de donner des institutions à vos populations ; ne provoquez point l’Autriche ; si elle vient vous chercher chez vous, nous vous défendrons. »

Malheureusement une impression toute différente de celle que M. Bresson s’appliquait à produire naissait dans tous les lieux que l’envoyé anglais, lord Minto, venait à traverser. Ce n’est point que le langage tenu par le noble voyageur fût bien différent de celui de notre ambassadeur ; mais le ton des personnes moins expérimentées qui l’entouraient n’était pas aussi circonspect. Les Italiens qui les fréquentaient puisaient dans leurs discours des motifs de se confirmer de plus en plus dans leurs fausses espérances, et jamais leurs dangereux desseins ne rencontraient parmi elles d’incommodes contradicteurs. Le public était flatté de voir un membre du cabinet de la reine Victoria quitter Londres pour venir s’occuper des affaires de la péninsule ; il y voyait une preuve de la sympathie britannique pour la cause italienne. L’influence de l’Angleterre en était accrue. Malheureusement, plus cette influence se développait en Italie, plus la fièvre révolutionnaire redoublait d’intensité. La mission anglaise causait une émotion extraordinaire, dont les exaltés ne manquaient pas de s’emparer pour la traduire en mouvemens tumultueux. Ni les instructions de lord Minto, ni son langage officiel, ni ses entretiens particuliers n’avaient pour but de provoquer de semblables manifestations. Elles naissaient naturellement autour de lui et malgré lui ; elles le précédaient ou le suivaient partout. Turin, Gênes, Florence, Rome, Naples, la Sicile, ne l’avaient pas plutôt reçu, qu’elles étaient visitées par l’émeute. On eût dit que le sol de l’Italie tremblait et s’enflammait de lui-même sous les pas de l’envoyé britannique.

À Turin, l’agitation populaire amena un changement de cabinet. M. de Villamarina, ministre de la guerre, chef de la portion libérale du cabinet sarde, avait demandé à être déchargé de la direction de la police, dont l’intervention un peu rude dans les derniers troubles avait soulevé quelques mécontente mens. Il avait accompagné sa réclamation de l’offre de sa démission. Le roi accepta la démission de son ministre