Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/566

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ADRIENNE LECOUVREUR


DRAME DE MM. EUGÈNE SCRIBE ET LEGOUVÉ.




Adrienne Lecouvreur est assurément une des figures les plus poétiques de l’histoire du théâtre ; et je comprends très bien que MM. Scribe et Legouvé, voulant nous montrer sous un aspect nouveau le talent de Mlle Rachel, aient choisi cette gracieuse comédienne. La vie d’Adrienne Lecouvreur, réduite à ses élémens positifs, telle que nous l’ont transmise les biographes, offre, en effet, tout ce qui peut séduire l’imagination. À quinze ans, Adrienne s’ignorait elle-même et n’entrevoyait pas même d’une façon confuse la destinée glorieuse qui lui était réservée ; le hasard seul décida de sa vocation. Son père, pauvre chapelier, était logé près du Théâtre-Français, dans la rue qui s’appelle aujourd’hui rue de l’Ancienne Comédie. Adrienne, en écoutant le récit des succès obtenus par les comédiennes du jour, conçut le projet d’aborder elle-même la carrière dramatique. À l’âge de quinze ans, elle était applaudie sur les théâtres de société. Née dans les dernières années du XVIIe siècle, en 1690, pendant douze ans, c’est-à-dire de 1705 à 1717, elle éprouva son talent dans tous les rôles, ou du moins dans les rôles les plus difficiles de Corneille, de Racine et de Molière. Parvenue à l’âge de vingt-sept ans, elle venait de signer un engagement avec le théâtre de Strasbourg quand elle reçut pour la Comédie-Française un ordre de début. Sa première soirée fut une soirée de triomphe. Elle était, nous disent les contemporains, d’une taille peu élevée ; mais il y avait dans sa marche tant de noblesse et de majesté ; son regard, ses attitudes exprimaient si bien la grandeur, la passion ou la sérénité du personnage qu’elle s’était chargée de représenter ; sa voix, dont le timbre était