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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/58

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a de la résignation, de la force, du bon sens, souvent un héroïsme obscur qui s’ignore, et c’est ce qui la rend plus touchante que les misères envenimées par l’orgueil et défigurées par l’esprit de révolution. Il n’y a pas bien long-temps encore, dans une saison rigoureuse d’une de ces dernières années de détresse, il s’élevait déjà des présages sinistres de cette guerre sociale inaugurée depuis dans le sang. La famine et le froid, disait-on, allaient enflammer la fureur populaire contre les riches et les châteaux. Jasmin écartait ces prédictions dans une pièce qui a pour titre : Les Prophètes menteurs. Il les démentait éloquemment pour le peuple, pour le vrai peuple laborieux et sain, et il mêlait dans ses vers des conseils austères dignes d’être entendus. Il s’exprimait ainsi dans un passage :

… Lou puple may fort, àro que n’en sat may,
Gardo, fôro del mal, sa bèlo pajo blanco,
Et n’es pas negre al co coumo nou l’an pintrat.
Bol èstre agnèl, pourbu qu’atge un bri d’hèrbo al prat…
Et se l’an bis lioum, ès quan l’hèrbo li manquo.
Riches, bouta-ne doun en rezèrbo per el
Pes grans frets, quan n’a plus ni manno, ni sourel,
Et sarés benezitz ; et touto la semmàno
Recoultares d’amou d’oustalet en cabâno,

Demandas an aques apôtros de nostre atge
Que sen Bincen de Pol caouzis, et que s’en ban
      Gari chel bièl et chel maynatge
Las plàgos que lou fret et la mizèro fan.
      Es que bezon tout, bous diran :
      Qu’à peno la plàgo se barro,
      La may apîlo sous pichous
      Et dit : « Paourots, à ginouillous !
      « Cal prega Diou pes riches, âro,
      « Car lous riches se fan millous. »

Bous diran que lous pays, à la rigou de l’ayre
Bachon un bras de fer aoutres cots menaçayre,
Et se dizon entr’es — « Nostres bièls, malhurous,
      « Faouto d’un baoume counsoulayre,
« Toumbâbon lous castèls, nous aous escourren lous
      « Car lous riches se fan millous !! »

Riches, nou cambiés plus et que tout bous daoureje,
Sur des moùfles tapis coulas beziadomen
Bostro bito de sedo, et de mèl, et d’encen ;
Mais perqué res aciou per bous aou n’amaréje,