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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/687

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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LA REINE-MÈRE.

Vous savez mes pressentimens, chancelier ; mon pauvre fils n’ira pas loin. — Pensons à son frère. Il n’a que onze ans, ce petit Charles. J’espère au moins qu’on m’en laissera maîtresse ! — Du côté de MM. de Guise, point de lutte possible, quant à présent du moins… mais, de l’autre côté, vous savez les folies qui commencent à poindre.

LE CHANCELIER.

En vérité, madame, je ne saurais y croire… des idées de régence chez ce bon roi de Navarre !

LA REINE-MÈRE.

Si ce n’est pas de lui qu’elles viennent, on les lui met en tête.

LE CHANCELIER.

Il est vrai qu’il a maintenant beaucoup d’amis…

LA REINE-MÈRE.

On fait antichambre à son lever.

LE CHANCELIER.

Tel qui passait raide et couvert devant lui, lui tire sa révérence d’aussi loin qu’il le voit. Quels Protées que ces gens de cour, madame ! La crainte de MM. de Guise ne retient plus personne ; chacun en prend à son aise. Il y a je ne sais quoi dans l’air qui dit que leur règne est passé. Cypierre, le croiriez-vous ? ne s’est pas permis depuis trois jours de maltraiter qui que ce soit dans la ville, et Chavigny lui-même m’a fait dire ce matin qu’il n’était pas geôlier du prince malgré Dieu et justice ; que s’il plaisait à votre majesté…

LA REINE-MÈRE.

Pas encore… il faut d’abord que le frère ait réglé son compte avec moi. — Chancelier, je vous demande d’aller le voir, ce roi de Navarre ; la duchesse vous aidera, elle est femme de sens. Je n’entends pas que MM. les princes se fassent Guise à leur tour. Je ne veux pas qu’on me joue une seconde fois. Point de sottes prétentions, ou je serai sans pitié. Dites-le-lui, chancelier, et vertement.

LE CHANCELIER.

Soyez persuadée, madame, qu’au fond de l’ame il n’a pas la pensée de faire valoir ses droits.

LA REINE-MÈRE.

Ses droits ! voilà un mot que je ne puis souffrir. C’est un rêve que ces droits des princes du sang ! Je comprends qu’on exclue les femmes de la couronne, mais de la régence, à quoi bon ? Ce n’est pas là l’esprit de vos lois, chancelier. N’a-t-on pas fait pour la mère du saint roi Louis IX ce que j’entends qu’on fasse aujourd’hui pour moi ? S’en est-on mal trouvé ? Et, sans remonter si haut, le roi Charles VIII n’a-t-il pas