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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/694

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REVUE DES DEUX MONDES.
LE CARDINAL DE LORRAINE.

Je comprends qu’on ait l’audace de disputer la régence à votre majesté !

LA REINE-MÈRE.

Nous verrons si on l’osera.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

N’en courez pas la chance, madame. Ne gardez près de vous que des hommes à qui ces insolentes pensées ne tombent pas dans l’esprit ; des hommes qui se prévalent de leur amour du bien public, non des prétendus droits de leur naissance, et qui, n’aspirant pas à s’élever par eux-mêmes, seront heureux et fiers de tout devoir à vos bontés.

LA REINE-MÈRE.

Eh ! messieurs, c’est tout juste le langage que vous me teniez l’an passé, quand la mort me porta ce rude coup dont fut atteint mon bien-aimé seigneur ! C’est ainsi que vous me fîtes congédier, non-seulement les princes, mais le connétable et tous les siens ! Qu’en est-il advenu ? Qu’ai-je recueilli de ces belles paroles ? Écartons-en le souvenir, c’est le plus sûr moyen de maintenir dans mon cœur les sentimens que je veux avoir pour vous. Encore une fois, oubliez qu’il y ait au monde un prince de Condé, c’est ma première condition. Les autres ne sont pas dures. Vous, monsieur le duc, vous conserverez vos dignités, vos charges, vos commandemens ; je ne disposerai que de la lieutenance-générale. Et vous, monsieur le cardinal, si la surintendance des finances ne vous fatigue pas, il me plaira que vous la gardiez. Les états auront la fantaisie de vous demander vos comptes, mais je vous permettrai de ne les rendre qu’à moi. (Le cardinal s’incline.) Il y a des gens, vous le savez, assez mal appris pour prétendre que 42 millions de dettes ont été contractées depuis votre gestion. Si nous avons le bonheur de sauver mon cher fils, vous leur ferez telle réponse que bon vous semblera. Si Dieu en ordonne autrement, si je suis quelque chose, c’est moi qui répondrai, et j’obtiendrai qu’on s’en rapporte à moi. Eh bien ! messieurs, est-ce entendu ? Puis-je compter sur vous ?

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Comme sur vos plus fidèles sujets, madame.

LA REINE-MÈRE.

Ce n’est pas tout. Je prétends qu’entre vous et les princes il y ait réconciliation publique, solennelle et, je dis plus, sincère.

LE DUC DE GUISE.

Cela dépend-il de nous, madame ?

LA REINE-MÈRE.

Vous n’avez pas signé le décret de prise de corps, et vous avez bien