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Nous voyons aussi alors, comme de tout temps, la caricature s’exercer sur les toilettes. Il paraît qu’il régnait, vers 1750 et les années suivantes, une assez grande liberté de manières dans la société anglaise, ce dont on accusait, comme de juste, le voisinage des mœurs françaises. Ainsi on voit un journal satirique annoncer pour les bals masqués « des costumes nus, en imitation de la peau. » La chronique ajoute que ce genre de costume avait été réellement porté dans un bal masqué par Élisabeth Chudleigh, une des filles d’honneur de la princesse de Galles, qui fut ensuite la maîtresse du roi, et duchesse de Kingston. Elle était, dit-on, habillée en Iphigénie, avec un simple maillot à peine couvert d’une robe grecque ; si bien que la princesse de Galles, en la, voyant, lui jeta silencieusement son voile sur les épaules.

La mode extravagante des paniers fut naturellement un texte inépuisable de caricatures ; il y en a une qui représente un expédient inventé pour introduire les femmes dans les voitures et les en retirer. C’est un carrosse qui s’ouvre par le haut, et duquel trois laquais, avec une grue et des poulies, enlèvent leur maîtresse et tout son attirail. Les coiffures étaient, si cela est possible, plus extravagantes encore ; on venait d’inventer la mode des cabriolets, qui était devenue une telle fureur qu’on portait tout en forme de cabriolet, même les coiffures. Les femmes se faisaient construire sur la tête un véritable édifice bourré de filasse, de laine et d’étoupe, le tout cimenté avec des livres de pommade ; et il paraît que cela se gardait plusieurs semaines sans réparations intérieures, et avec de simples replâtrages de l’enceinte extérieure ! L’abus des plumes, dont on couronnait ces échafaudages, donna lieu aussi à beaucoup de plaisanteries. On représentait les malheureux oiseaux errant à pieds par les rues, dépouillés de leur vêtement naturel, et considérant mélancoliquement les animaux à deux pieds, avec plumes, qui se paraient de leurs dépouilles.

Quant aux hommes, ceux qui donnaient le ton s’appelaient alors des macaronis. C’était en 1772. Le nom venait de ce que les jeunes gens qui avaient fait leur tour en Italie, revenus à Londres, v avaient formé un club où l’on mangeait habituellement du macaroni. Les caricatures les représentent avec un habit, un gilet et des culottes très serrées, un petit chapeau, puis un énorme chignon artificiel suspendu à la nuque, et dont le poids balance presque celui du reste de l’individu.

La caricature politique s’était alors emparée de lord Bute, le premier ministre, comme elle avait fait de Walpole. La figure la plus, communément adoptée pour lui était celle d’une botte, le mot anglais boot se prononçant à peu près comme son nom. C’est ainsi qu’aujourd’hui lord Brougham est généralement désigné par un balai (broom). Lord Bute passait pour avoir été l’amant de la princesse de Galles ; une caricature représente la princesse admonestant miss Chudleigh, une