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cadette. On sait que je l’ai servie loyalement, mais sans adulation ; le titre de courtisan ne m’appartint jamais. J’espère donc que le puritanisme républicain daignera me pardonner ces détails. Un portrait ne doit-il pas être placé dans son cadre ?

Un grand voyage entrepris dans l’intérieur fit connaître à toute la France des qualités renfermées jusqu’alors dans Paris et connues seulement du petit nombre. Les nobles époux jouirent à cette époque d’une félicité complète ; ils se voyaient appréciés par une nation dont les suffrages varient souvent, mais ne perdent jamais de leur prix et de leur prestige. Cependant le malheur les guettait de près. Des pressentimens funestes, seul héritage que M. le duc d’Orléans ait recueilli d’Henri IV, poursuivaient ce prince, qui promettait d’être un jour digne de son aïeul, et qu’une même fatalité allait atteindre. Lors de son dernier voyage en Afrique, arrivé à Toulon le 9 avril 1840, il traça ses volontés suprêmes. L’idée d’une mort prochaine est visiblement empreinte dans cet écrit. On laà retrouve également dans les lettres qu’il adressa, vers la même époque, aux personnes qu’il honorait du nom de ses amis et qui conserveront précieusement sa mémoire. « Je ne puis quitter Paris pour un voyage lointain, écrivait-il à l’une d’elles, sans vous dire un mot d’adieu. Je ne sais à quel prix la Providence me fera acheter l’acquittement de la dette d’honneur que je vais solder en Algérie ; mais, quelles que soient pour mon avenir, pour ma carrière et pour mon pays, les conséquences du devoir de conscience que je vais accomplir le plus promptement possible, je vais rechercher dans les rangs de l’armée la parole que j’y ai laissée… »

La mort de M. le duc d’Orléans fut sans contredit le coup le plus rude que pût recevoir la dynastie nouvelle. Non-seulement elle se vit privée de l’aîné de sa race, de celui qui avait acquis le plus de titres à l’attention publique ; elle perdit avec lui le prestige de son bonheur.

Dès ce moment, Mme la duchesse d’Orléans se voua à une retraite absolue, trop absolue peut-être. Il aurait été utile qu’une existence faite pour défier le grand jour n’y eût pas été si complètement, si obstinément dérobée ; mais elle n’écouta que les inspirations de sa douleur. La mort de son mari l’avait à la fois séparée du monde et rapprochée des siens. Elle se renferma dans la vie de famille et ne, s’en éloigna plus un seul jour. Elle n’eut pas d’autres résidences que celles de ses parens. Saint-Cloud, Neuilly, les Tuileries, la voyaient arriver et repartir avec ses fils le même jour et presque à la même heure que la reine. Toujours vêtue de deuil, elle n’assistait à aucun des divertissemens ordinaires dans les cours. L’éducation de ses enfans occupait tous ses momens, et si elle accordait quelquefois la faveur d’une audience, c’était avec toutes les formes consacrées par l’usage. Sans doute un esprit aussi élevé ne pouvait rester étranger au spectacle