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malgré tous les efforts du peintre, il y ait sur cette noble figure beaucoup plus d’intelligence que de netteté, beaucoup plus de vertus mystiques que de bon sens et de résolution ? Fâcheux symbole, si c’en est un ; triste présage des destinées du parlement ! Mais le bruit, les cris, le tumulte des spectateurs, viennent nous distraire de ces pensées chagrines. L’amphithéâtre où siègent les députés est continué par de longues rangées de bancs, qui remplissent tout l’espace compris derrière les colonnes ; une foule bruyante occupe ces sommets, et, séparée du parlement par des balustrades, semble dominer l’assemblée comme la montagne domine la plaine. Ce n’est pas tout : bien au-dessus de ce second amphithéâtre, au niveau de cette belle Germania trônant comme une reine mystique sur les hauteurs, la grande galerie que supportent les colonnes est envahie par une multitude formidable. Deux mille personnes se heurtent dans ce forum tumultueux soulevé en l’air, on le dirait vraiment, pour mieux exprimer la souveraineté du peuple. Jamais les tribunes n’ont pesé plus lourdement sur une assemblée. Que vous semble de ces six cents députés pressés, dominés, enveloppés de toutes parts ? Qu’ils paraissent petits et faibles sous la rude main de la foule ! Le président du moins saura-t-il contenir les vagues et détourner les tempêtes ? Cette affectueuse bonhomie, cette bienveillance toujours prête, ce sourire qui jamais ne s’efface, est-ce assez pour gouverner une assemblée révolutionnaire ? Je crains bien que non. Qui sait cependant ? Il y a une indécision naïve qui peut ressembler à une tactique savante ; il y a des esprits embarrassés qui sont pris souvent pour de profonds politiques. S’il ne faut pas, même en Allemagne, heurter trop vivement la révolution, s’il convient de la saluer et de lui sourire, s’il y a de l’habileté à ne voir d’adversaires nulle part et à être enchanté de tout ce qui se passe, M. Mittermaier est le plus habile des hommes ; sa candeur désarmerait une émeute.

Le discours par lequel M. Mittermaier ouvrit la première séance de l’église Saint-Paul est tout rempli de cette complaisance banale que l’on n’a pas le courage de blâmer chez ce digne et illustre vieillard. Il y est question du géant qui s’éveille, c’est-à-dire de l’esprit du peuple, du peuple qui gagne son pain à la sueur de son front et qui réclame enfin une meilleure organisation de la société. Un peu plus loin, c’est une espérance donnée au parti modéré en des termes bibliques : l’esprit de l’ordre doit triompher, car il domine tout, le monde physique et le monde moral ; il est ce spiritus Dei qui était porté sur les eaux primitives, et qui débrouilla le chaos. Tous les partis devaient être contens. Ajoutez à cela que le vénérable professeur d’Heidelberg avait l’air de présider une réunion de famille, et que, souriant aux plus farouches montagnards, il les appelait toujours mes chers amis.

Je n’omettrai pas ici une circonstance qui caractérise assez bien cette