Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/902

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au Foreign-Office l’intérêt bien entendu et la dignité de la politique anglaise, acceptera à coup sûr ces avances, répondra à cet appel conciliant. Je m’arrête. Il était dit que lord Palmerston prendrait lui-même à tâche d’interdire ici toute supposition bienveillante. C’était bien un appel calculé à l’anarchie, un froid guet-apens qu’avait prémédité le chef du Foreign-Office. C’est l’impossible qui a raison.

Les avances du gouvernement espagnol ne se font pas attendre. Dès le 15 avril, le duc de Sotomayor avait recommandé à M. Isturitz, ambassadeur à Londres, d’exposer à lord Palmerston la nécessité et la convenance du remplacement de M. Bulwer, et le ministre espagnol, sans dévier de l’attitude ferme et digne qu’il avait prise dans le débat, basait sa demande sur des raisons de nature à désarmer la susceptibilité la plus ombrageuse. Ce n’est pas au nom de l’honneur espagnol outragé, ce n’est pas comme réparation, c’est au nom des sympathies du cabinet de Madrid pour l’Angleterre et dans l’intérêt des bonnes relations des deux pays que le duc de Sotomayor demandait le rappel de l’envoyé britannique. Le gouvernement espagnol pouvait se faire justice à lui-même ; il la sollicitait. Il pouvait réclamer satisfaction pour le passé, et ne réclamait que sécurité pour l’avenir. Il pouvait tout au moins exiger, et il priait. Il pouvait en appeler au droit des gens, et n’en appelait qu’au bon vouloir du gouvernement anglais, laissant ainsi d’avance à celui-ci tout l’honneur d’une loyale initiative. Il pouvait faire remonter enfin à lord Palmerston la responsabilité entière du guet-apens diplomatique du 9 avril, et donner au chef du Foreign-Office, devant la Grande-Bretagne et l’Europe, le rôle d’accusé : il lui donnait spontanément le rôle de juge, et personnifiait tous les griefs de l’Espagne en M. Bulwer seul… Vains efforts ! l’Espagne se faisait ici l’avocat de lord Palmerston contre lui-même. Pour unique réponse aux avances si conciliantes de MM. de Sotomayor et Isturitz, lord Palmerston renouvelait l’approbation donnée à M. Bulwer et signifiait que la présence de celui-ci était nécessaire en Espagne.

Ne fallait-il pas que l’envoyé anglais achevât son œuvre à Madrid ? L’encouragement[1] si explicite donné à M. Bulwer avait singulièrement ranimé son zèle, un instant indécis ; aussi l’œuvre allait vite : le 7 mai, une partie de la garnison de Madrid donnait, à l’appel de quelques sous-officiers, le signal d’une nouvelle insurrection, et cette fois le, triomphe de l’ordre était chèrement acheté. Le capitaine-général de Madrid était au nombre des morts. D’où étaient sortis les quelques bourgeois qui avaient apparu l’arme au poing au milieu des soldats insurgés ? De l’ambassade anglaise, où ils s’étaient réfugiés depuis

  1. Par une coïncidence significative, bien qu’on ait voulu la présenter plus tard comme fortuite, M. Bulwer recevait à la même époque la décoration de l’ordre du Bain.