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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/942

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la nouvelle minorité, la nature l’emporte sur la volonté. Il nous est permis de supposer que, parmi les membres de la montagne, il n’y en a pas beaucoup qui se fussent préparés dès long temps à la vie politique. Ils s’étaient fait peut-être une autre vocation ; ils avaient plus de goût pour la vie à ciel ouvert que pour la vie de cabinet ou de chambre. Il leur sera donc difficile de prendre promptement les habitudes qui rendent la délibération possible. Il y a dans le monde bien des moyens de soutenir son avis, depuis les syllogismes de l’école jusqu’au ceste et au pugilat de l’antiquité, sans oublier les coups de fusil ; mais il est évident que ces divers modes d’argumentation ne sont pas tous de mise dans le même lieu et dans le même temps. Il a toujours semblé que les argumens devaient s’appareiller selon leur nature et s’accommoder aux diverses enceintes ; aussi les syllogismes s’appareillent ordinairement aux syllogismes, et se placent mieux dans une école ou dans une salle de délibération que dans une place publique. Le pugilat, au contraire, et le ceste convenaient mieux aux cirques antiques. Les coups de fusil, enfin, sont réservés aux champs de bataille et aux rues, hélas ! de nos villes désolées par la guerre civile. C’est une expérience nouvelle que d’essayer de mettre dans la même enceinte ces divers modes de raisonnement, et nous craignons qu’ils n’aient de la peine à vivre ensemble. Il y a donc pour l’assemblée législative une question qui n’avait pas encore été posée à l’ouverture des assemblées délibérantes : c’est de savoir si elle a le tempérament délibératif, si, en un mot, elle peut délibérer.

Nous n’avons pas parlé jusqu’ici des combinaisons ministérielles et nous n’en parlerons pas. Nous attendons que le Moniteur se soit expliqué. Jusque-là, à quoi bon faire des conjectures, exprimer des préférences ou des répugnances ? Tout cela sème la zizanie, et nous avons tous besoin d’union. Quant à nous, le ministère que nous voulons est le ministère qui aimera assez la loi pour la faire exécuter, le ministère qui sera fort par la loi et pour la loi, et qui aura une épée à mettre auprès du scrutin de l’assemblée législative pour la défendre contre un 15 mai. Croire, en effet, que les gens du 15 mai ne viendront pas un jour ou l’autre tâter le pouls à l’assemblée législative, c’est une grande erreur. Ils y viendront : ce jour-là, il ne faut pas qu’il y ait pour fermer les portes de l’assemblée un général du peuple, mais un général de la loi.

Nous nous apercevons, en finissant, que nous n’avons rien dit de notre expédition d’Italie ; mais qu’en dire ? Si nous nous avisons d’en approuver les premières pensées et les premières opérations, on ne manquera pas de dire qu’alors nous en blâmons la seconde pensée ; et si nous approuvons la seconde pensée, Dieu sait à quoi nous nous exposons pour la troisième pensée ! Avec une expédition dont le milieu désavoue le commencement et dont la fin désavouera sans doute le milieu, que faire, sinon se taire, quand on ne veut pas faire d’opposition, et quand on est, comme nous, décidé à être de l’avis du ministère, pourvu qu’il en ait un et qu’il n’en ait pas trois ? Nous prendrons donc le parti d’attendre le dénoûment et le dernier avis du ministère, afin d’être sûrs de ne l’avoir pas, malgré nous, contredit en le suivant.