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priées que les nôtres à leur but, assez larges et assez fortes pour se prêter aux divers besoins du progrès et de la conservation. La société américaine est depuis long-temps entrée dans la pratique de la démocratie constitutionnelle, tandis que nous autres, avec tous nos efforts, nous ne parvenons point à sortir des usages de la démocratie révolutionnaire. L’exemple de l’heureuse tranquillité de l’Amérique septentrionale est donc rassurant, sans être décisif. Il peut, en tout cas, nous profiter en nous éclairant. Ainsi les liens qui ont rattaché la France à ce pays dès son origine se resserrent aujourd’hui d’eux-mêmes, par cette circonstance nouvelle d’une conformité de constitution politique.

En songeant à ces grands intérêts matériels et moraux, nous nous demandons avec quelque surprise pourquoi l’on a si peu fait jusqu’à présent pour rendre plus étroites les relations de la France avec l’Amérique du Nord. Comment expliquer, en effet, que, dans une situation internationale si propre à de nombreux et constans rapports, la France ne soit point encore reliée aux États-Unis par une voie de communication directe et régulière ? Le gouvernement monarchique, dans la dernière année de son existence, s’était préoccupé de la création de ces paquebots transatlantiques dont le projet, déjà ancien, avait eu tant de peine à aboutir. Peut-être n’a-t-on pas oublié que des fonds d’encouragement avaient été votés par les chambres pour la compagnie qui se chargeait de l’entreprise. Deux paquebots ont accompli le voyage ; le troisième est rentré au port après avoir fait huit lieues en mer, et l’entreprise, soit inintelligence, soit mauvais vouloir, n’a pas eu d’autres suites. Il nous semble qu’il appartiendrait au gouvernement nouveau de porter son attention sur un intérêt si grave. Le manque de communication directe, régulière et rapide entre le Havre et New-York gêne et peut même paralyser, sous de certains aspects, les rapports que ces deux grandes sociétés ont tant de raisons de multiplier. Les Américains, pour leur compte, sont parfaitement convaincus des excellentes conséquences qu’amènerait l’établissement d’une ligne transatlantique, et, en date du 4 avril, la législature de l’état de New-York a autorisé la constitution d’une compagnie qui se propose de tenter à son tour l’entreprise si malheureusement conduite par la compagnie française. Nos commerçans se laisseront-ils devancer ? Le gouvernement ne trouvera-t-il point quelque moyen de provoquer leur émulation en imitant, au besoin, celui des États-Unis, qui assure à la compagnie de New-York une allocation de 375,000 francs pour le transport régulier de la malle ? N’aurons-nous pas enfin assez de hardiesse et de résolution pour en finir avec cet état de choses d’aujourd’hui, dans lequel nous sommes à la merci de l’Angleterre pour toutes nos communications avec l’Amérique ? Nous avons lieu de croire que c’est une des préoccupations constantes du ministre de France à Washington, M. Poussin, dont les écrits fort appréciés montrent une vive intelligence des avantages diplomatiques et commerciaux que la France devrait tirer de relations plus suivies avec l’Amérique septentrionale. L’expérience qu’il a des intérêts et des hommes de cette république et l’activité qu’il porte dans l’accomplissement de sa mission nous autorisent à espérer que sa présence aux États-Unis ne restera point stérile. Le temps des ambassades d’apparat est passé, et puisque nous sommes représentés à Washington par un homme de connaissances spéciales, il serait malheureux que ce ne fût point pour y