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ces débris monstrueux ou singuliers de tant d’invasions et de barbaries accumulées l’une sur l’autre, eût été un engagement téméraire pour une puissance autre que l’Autriche ; mais l’Autriche n’a jamais eu un type idéal de gouvernement, une forme politique à laquelle elle ait cru utile ou nécessaire de ramener les pays qu’elle rangeait sous son empire. Dans l’esprit français, conquérir ce n’est pas seulement occuper le pays par les armes et recevoir les tributs : nous portons partout avec nous la passion de l’unité ; nous imposons nos lois, nos mœurs et notre langue ; nous ne voulons pas tant l’obéissance que la ressemblance, et nous ne nous croirons pas solidement établis à Alger tant qu’on y portera des turbans et qu’on y parlera arabe. Les conquêtes de ce genre ne sont pas l’œuvre d’une génération ; mais, quand elles s’achèvent, elles sont à toute épreuve. Rien ne peut plus séparer ces populations, non pas soudées et rattachées l’une à l’autre, mais fondues ensemble comme une masse d’airain au fond du creuset.

Jusqu’à nos jours et à la constitution décrétée à Olmutz le 4 mars 1849, rien de semblable dans l’esprit de la monarchie autrichienne. L’unité est seulement dans le souverain, je dirai plutôt dans la personne même du souverain, car son titre et son autorité changeaient d’ailleurs selon les divers pays : empereur élu à Francfort, monarque héréditaire et absolu à Vienne, roi constitutionnel en Hongrie, il est prince héréditaire de Transylvanie et comte des Szeklers. Chaque peuple peut croire que la succession de ses propres chefs n’a point été interrompue ; il est laissé à sa propre nature, au libre développement de son organisation. Loin de détruire ou de modifier les lois et les coutumes d’un pays, la conquête autrichienne, en apportant le repos et la sécurité, les immobilisait plutôt. Les institutions du moyen-âge duraient à l’ombre de sa protection bien au-delà du terme qu’elles eussent atteint dans le plein exercice de l’indépendance nationale. Le mouvement même de la vie et de la liberté transforme incessamment les sociétés : celles-là seulement persistent dans leur antique forme, qui ont été saisies et fixées à une certaine époque par une puissance supérieure ; on les retrouve avec étonnement au milieu des débris de l’histoire, comme les restes de ces espèces antédiluviennes qui peuplèrent le monde primitif et ont disparu de nos jours. La comparaison n’est pas trop forte, en vérité, pour l’état social que nous devons décrire, et qui subsiste en Transylvanie.

Politiquement, la Transylvanie est divisée en trois nations : les Hongrois, les Saxons et les Szeklers. L’idée la plus naturelle est que les trois nations que je viens de nommer occupent seules le pays qui leur est assigné. Il n’en est rien cependant ; elles ne forment pas toutes trois ensemble la moitié de la population de la Transylvanie.

Sous le rapport religieux, on peut pratiquer divers régimes : l’inquisition