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les vices de la centralisation telle que nous l’avons depuis un demi-siècle, on a cité à la tribune quelques sottises qu’elle a empêchées, et l’exemple qu’on a fait valoir à la tribune de ce maire de Bretagne qui voulait imiter dans son village les monumens de Paris est fort pittoresque ; mais ne voit-on pas que, pour prévenir quelques abus possibles, on a organisé un abus certain et permanent, une atteinte systématique à la liberté d’agir et de travailler ?

Sous le rapport politique, nous avons tous été élevés dans l’adoration de la centralisation absolue ; les bons esprits en reviennent et appellent de tous leurs vœux une centralisation tempérée. Les exagérations de la centralisation sont dues à ces deux gouvernemens d’un rare despotisme que j’ai déjà cités plus haut, la convention et l’empire. C’était nécessaire à la lutte qu’ils soutenaient contre toute l’Europe, et où ils s’étaient précipités de leur plein gré par orgueil, par ambition ou par l’effet de passions furieuses ; mais c’est inutile, c’est funeste dans un état qui veut être libre, où les citoyens sont jaloux d’exercer leurs facultés sous l’égide des lois. Je ne puis désormais voir dans la centralisation absolue qu’un engin d’asservissement. Elle accoutume une nation à l’obéissance passive. Il y a dans la capitale une grande roue qui tourne, et dont tout suit servilement la rotation, des rives du Var aux rochers du Finistère. Qu’on soit le maître de la roue, et on sera maître de la France. Qu’une poignée de factieux ou d’ennemis de la société parvienne ; par la somnolence, l’incurie ou l’ineptie des gardiens de la machine, à mettre la main dessus, et les voilà dictateurs. O douleur ! ô ignominie ! les hommes qui aiment la liberté n’ont plus qu’à courber la tête, la machine leur a mis les fers aux pieds et aux mains ! Voilà les effets politiques de la centralisation absolue.

Les exemples qui précèdent montrent déjà ce que c’est que la liberté à l’américaine (je devrais dire à l’anglo-saxonne), à quel point elle diffère de cette liberté sauvage dont le principal exercice est de détruire le gouvernement établi ; d’alarmer les gens paisibles, de menacer tout ce qui est, de donner cours à la turbulence d’une poignée d’agitateurs. Dans l’une, je vois la puissance d’élever et de fortifier l’individu et l’état ; dans l’autre, je ne puis apercevoir que la faculté de faire le sac de la société et de dégrader l’homme.

Continuons cette biographie de l’homme industrieux. Nous savons maintenant qu’en Amérique la loi militaire et le système administratif, notamment le mode de vente des terres publiques, lui accordent beaucoup de latitude, beaucoup de liberté. Indiquons à quel point il est libre de suivre la profession de son goût et les entreprises qui lui conviennent.