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devenir dangereuse. On évitait autant que possible de leur conférer un privilège exclusif. Ainsi on permettait à des particuliers de se constituer en corporation pour faire la banque ; mais à côté, dans la même ville, on créait une deuxième banque, une troisième, une vingtième. Pour déterminer des capitalistes à creuser un canal ou à ouvrir un chemin de fer, on a dû leur donner quelquefois une garantie contre la concurrence ; mais, dans tous les cas, quoique la propriété des voies de communication soit, comme toute autre, à perpétuité, le privilège, s’il existe, est temporaire.

Un peu plus tard, le législateur eut lieu de craindre que des autorisations données trop facilement ne devinssent un encouragement à l’agiotage, pour lequel l’Américain a du penchant. Il est même permis de supposer, je le dis d’après une autorité illustre, M. Gallatin, que quelques-uns des membres des législatures se laissaient corrompre par des faiseurs de projets et surtout par les fondateurs des banques. Ce fut alors que dans plusieurs états, dans celui de New-York entre autres (en 1821), on établit que, pour les actes d’autorisation, il faudrait une majorité des deux tiers de la législature. Dans plusieurs états, on a soumis les actionnaires à une responsabilité illimitée, tandis que, dans les sociétés anonymes de la France ou dans les compagnies incorporées de l’Angleterre, l’obligation va tout au plus au montant du capital souscrit par chacun. La convenance de cette innovation du législateur américain est très contestable. Elle tend évidemment à effrayer les capitaux et à les écarter. Elle était fort impolitique à une époque où l’Amérique s’efforçait, pour susciter son industrie et vivifier son sol, d’attirer les capitaux étrangers.

On a eu une inspiration plus conforme à la raison et à la liberté, quand on a cherché un système qui dispensât les compagnies, ou certaines catégories d’entre elles, d’une autorisation législative spéciale. C’est ainsi que dans, l’état de New-York, depuis 1838, il est licite au premier venu d’établir une banque et d’émettre des billets, sous certaines conditions qui sont fixées par une loi générale. Avec ce système du moins, personne ne peut crier au privilège et au monopole. Il y a un droit commun qui, comme le soleil, luit pour tout le monde.

Mais ce qu’on déplore d’avoir à signaler dans la législation américaine, c’est l’introduction systématique dans les actes d’autorisation d’une clause visiblement dictée par le génie de l’arbitraire, telle que celle-ci : À toute époque, la législature aura le droit de réviser, d’amender et même de révoquer l’acte d’autorisation. Un article pareil serait à sa place dans un firman du grand-seigneur : il est déplacé dans les lois d’un peuple libre ; il est contraire à cet axiome de jurisprudence admis chez tout peuple qui a le sens de l’équité, donner et retenir ne vaut Le chancelier Kent qualifie sévèrement cette disposition et