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fort en honneur en Amérique ; cependant l’esprit réglementaire y compte des adorateurs, et maintes fois on a déterminé le législateur à faire des génuflexions devant ses autels ; mais ce sont ces exceptions qui ne détruisent pas la règle. J’en trouve un exemple dans les actes du congrès de l’année dernière : une loi a été rendue pour protéger le citoyen américain contre les médicamens frelatés que les chimistes d’Europe pourraient lui envoyer. On sophistique toutes les substances médicinales : il y a quelques années, n’a-t-on pas donné à nos héroïques soldats d’Afrique, que la fièvre rongeait, de la fécule au lieu de quinine ? Pour garantir le public américain contre ces fraudes coupables, en tant qu’elles peuvent être du fait des Européens, le congrès, par une loi du 26 juin 1848, a établi, pour les substances médicinales, une inspection à l’entrée[1].

Comme exemples du système réglementaire, qui sont des contre-sens véritables dans la législation américaine, on pourrait citer les lois qui aujourd’hui encore, dans l’état de New-Jersey et dans celui d’Alabama, imposent un tarif aux auberges ; mais il ne faut pas s’arrêter à ces petites contradictions-là. Tout ce qui se fait aujourd’hui de lois de ce genre en Amérique est, pour ainsi dire, mort-né. Ce qui en reste d’autres temps n’a pas long-temps à vivre.

En résumé, tenons pour démontré qu’en Amérique l’homme de travail, soit qu’il cultive, qu’il manufacture ou qu’il commerce, soit qu’il ait une profession libérale, possède, pour exercer ses facultés, pour suivre ses idées, une liberté extrêmement étendue. C’est le pays du monde où il en a le plus. À quelques égards, pour ce qui est par exemple de la liberté d’échanger ses produits contre ceux des autres peuples, ou pour faire venir du dehors des objets utiles à la production même, comme du fer, de l’acier, des machines, l’Angleterre, depuis les réformes de sir Robert Peel, s’est placée à un degré supérieur ; mais, par plusieurs autres côtés, l’Amérique du Nord offre à l’homme qui veut travailler avec fruit, au pauvre surtout, plus de latitude, de commodité, de liberté, et, tout balancé, l’avantage lui reste.

VIII. – DE LA LIBERTÉ CONSIDÉRÉE SOUS LE RAPPORT DE LA CONSOMMATION ET DU TRAVAIL. – CONTRE-POIDS QU’ELLE A DANS LES MŒURS PLUS QUE DANS LES LOIS.

À côté de la liberté de produire et de travailler sous toutes les formes, il y a celle de consommer et de jouir. Ici la liberté rencontre sur son

  1. Cette loi n’atteindra pas le but, car elle n’empêchera pas les adultérations à l’intérieur, et il ne manquera pas de spéculateurs indigènes pour en exploiter le monopole, puisqu’on le leur réserve. Du moment que le législateur entreprend de protéger les citoyens contre les mauvais médicamens, il n’est pas possible de se dispenser de la visite des pharmacies, qui rentrerait parmi les attributions des états particuliers. On sait qu’en France cette visite se fait ou doit se faire ; il me semble bien peu probable que l’Amérique en vienne là.