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ciel t’aidera, lui crie durement M. Raveaux (de Cologne), et l’assemblée, encore tout agitée par les discussions précédentes, abrége, sans rien décider, les exhortations du prélat.

La séance du lendemain ne commença pas sous de meilleurs auspices. Le docteur Lang faisait d’inutiles efforts pour maintenir l’ordre et les orateurs montaient à la tribune, parlaient, gesticulaient, redescendaient enfin au milieu d’un tumulte épouvantable, répété par l’écho des galeries. Il était bien temps qu’un président plus énergique prît place au fauteuil. Tous les députés n’ayant pas encore pu se rendre à leur poste, on convint que la mission du président ne serait que provisoire, et l’on en fixa la durée à quinze jours. Enfin le scrutin fut ouvert ; la majorité absolue était de 196 voix ; M. Henri de Gagern en obtint 305, et M. de Soiron 85. Au seul nom de M. Henri de Gagern, la confiance rentra dans les cœurs : nul n’avait plus de dignité unie à plus de présence d’esprit, personne n’avait une parole plus impérieuse au service d’un plus ferme courage. Et comment eût-on mieux représenté les espérances libérales et les illusions de la patrie ? M. de Gagern était l’apôtre dévoué de toutes les réformes, et cette grande promesse de l’unité allemande, qui enivrait tant l’intelligences, était inscrite à la première ligne de son programme. À peine installé au fauteuil, M. de Gagern s’exprima ainsi : « Je suis trop ému, messieurs pour vous adresser un long discours. Sans doute, ce n’est qu’une fonction provisoire dont je suis investi, et bien peu de jours me sont accordés pour répondre à la confiance de cette noble assemblée ; quelle que soit cependant la courte durée de ma présidence, j’ai le droit de vous demander votre appui. C’est avec joie que j’en prends l’engagement devant la nation tout entière, les intérêts des peuples allemands seront pour moi les plus sacrés de tous, et je n’aurai pas une autre règle de conduite tant qu’une goutte de sang coulera dans mes veines. Comptez sur ma parfaite impartialité dans la direction des débats. L’assemblée a la plus grande tâche à accomplir ; elle est chargée de la constitution de l’Allemagne. Sa mission et sa force pour une telle œuvre résident dans la souveraineté de la nation. » À ces mots, des applaudissemens prolongés éclatent sur presque tous les bancs. M. de Gagern craint cependant de s’être trop avancé, et, atténuant aussitôt ses paroles, appelant à son aide les gouvernemens et leur promettant une part dans l’œuvre commune, il ajoute : « Ce qui fait le droit du parlement, c’est la difficulté, c’est l’impossibilité de confier cette tâche à aucun autre pouvoir. L’assemblée de Francfort sera donc une assemblée constituante. L’Allemagne veut être une, elle veut être un grand empire régi par la volonté nationale, avec le concours de toutes les classes de citoyens et de tous les gouvernemens. Voilà l’idéal que l’assemblée devra réaliser. S’il y a des divisions sur d’autres points, aucun doute, aucune contestation n’est possible