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peuple, et cependant la liberté de l’individu, la force et la dignité de la nation, n’y sont-elles pas mieux garanties qu’en France, bien que la France ait toujours ce mot de souveraineté à la bouche ? » Et plus loin : — « Comment gouvernera votre comité exécutif, n’ayant à lui ni un homme ni un thaler ? Cela ira bien tant que les gouvernemens obéiront à ses ordres ; à la première résistance, que ferez-vous ? Un seul moyen restera : l’appel à la révolution. Est-ce là-dessus que vous comptez pour calmer la juste inquiétude de l’Allemagne, pour relever le crédit, pour donner une impulsion nouvelle au travail ? Prenez garde à l’inévitable réaction qui s’opère dans les esprits dès qu’on abuse de la liberté. » Le discours de M. Bassermann obtint le plus grand succès. Il y avait bien dans ses dernières paroles des argumens sérieux qui ne s’appliquaient pas seulement à la gauche les dangers signalés par l’orateur ne menaçaient pas seulement le comité, c’étaient les dangers mêmes du pouvoir central et de la constitution future ; mais dans l’effervescence du débat l’avertissement ne fut pas compris.

Parmi les principaux orateurs qui se firent entendre le lendemain, il faut citer MM. Robert Blum, Welcker et de Beckerath. Doué d’une véritable éloquence et d’une habileté rare, M. Robert Blum est bien supérieur à tous les démagogues qui l’entourent. Il défend le système républicain de manière à s’attirer les bravos des galeries sans trop heurter cependant les opinions bien connues de l’assemblée. Ce ne sont pas les galeries qui applaudiront M. Welcker ; elles l’interrompent au contraire, et le sifflent même à outrance. Intelligence droite, caractère franc et tout d’une pièce, M. Welcker avait déclaré une guerre ouverte à l’ancien régime ; depuis le triomphe de la révolution, il s’est tourné avec la même vigueur contre le danger nouveau. Faire face à tous les périls et changer ses batteries selon les nécessités de la lutte, n’est-ce pas là ce qui constitue l’homme d’état ? Le secret des contradictions apparentes reprochées à tant d’hommes éminens n’est pas bien difficile à trouver, et au lendemain des commotions révolutionnaires, en présence de l’anarchie et du crime, ce secret leur fait toujours honneur. Où est la trahison, en vérité, lorsque l’homme qui combattait le despotisme du pouvoir absolu combat, après la victoire, les excès de la démagogie, c’est-à-dire le despotisme de la violence et de la stupidité. N’est-ce pas, au contraire, persévérer dans sa voie tandis que tout a changé, et maintenir fidèlement son drapeau au milieu des bouleversemens publics ? C’est ce que fit M. Welcker. Par la fermeté de son attitude, par l’ardeur de sa colère et l’impétuosité de sa parole, M. Welcker rappelle souvent Casimir Périer. Déjà, à l’assemblée des notables, il avait énergiquement défendu les droits des gouvernemens ; déjà, au sein de la diète, en luttant contre le comité des cinquante, il avait redoublé d’efforts pour empêcher la dictature de l’assemblée ;