clubs, ce n’était pas pour le succès de la cause que le jeune hégélien faisait apparaître aux yeux de l’assemblée cette grande et sinistre image de 93. Cela dut donner à réfléchir ; quelques membres du parti Dahlmann, bien tardivement éclairés, se tinrent pour avertis. Un énergique discours de M. de Vincke acheva de redresser certains esprits. Enfin, après une lutte acharnée de plusieurs jours, après une dernière séance qui ne dura pas moins de onze heures, après des cris, des vociférations, des violences capables, dit un témoin, de déraciner un chêne ([1], l’appel nominal commença, et la proposition de rejeter l’armistice fut repoussée par 258 voix contre 237.
Si M. Vogt, en repoussant l’armistice de Malmoe, avait fait pressentir la possibilité d’une convention, d’autres orateurs du même parti signalaient l’approbation du traité comme l’infaillible signal d’une révolution nouvelle. Quoi qu’il arrivât en un mot, les factions étaient bien décidées à profiter de l’effervescence des esprits. On avait, pour ainsi dire, donné le signal de l’insurrection du haut de la tribune ; dès que le vote fût connu, le cri aux armes ! fut répété par les échos des clubs C’est le 16 septembre que le vote avait eu lieu ; les agitateurs ne perdirent pas leur soirée, et le lendemain 17, une grande assemblée populaire était bruyamment convoquée aux portes de la ville. Elle se réunit de quatre à six heures du soir ; toutes les réunions démocratiques, toutes les associations ouvrières de Francfort, de Mayence, d’Offenbach, de Hanau, s’y étaient rendues bannière en tête ; environ vingt mille hommes, dit-on, avaient répondu à l’appel. Les meneurs étaient des hommes jeunes, presque tous étrangers à Francfort, troupe de condottieri au service des passions révolutionnaires, et qu’on voit apparaître subitement dès qu’une barricade s’élève. Les ouvriers étaient armés de bâtons ; quelques-uns avaient des pistolets et portaient une plume rouge à leur casquette. Des députés de la gauche, M. Simon (de Trèves), M. Wesendonck, M. Zitz, M. Schlœffel, parlèrent du haut d’une tribune improvisée, ainsi que les chefs des club, tels que M. le docteur Rheinganum et M. Metternich (de Mayence). Ces derniers ne vociféraient que des motions incendiaires ; ce n’était pas une manifestation politique qu’ils voulaient, c’était une révolution sociale, l’anéantissement de la bourgeoisie, la suppression de la propriété, et les autres formules empruntées à notre démagogie parisienne. Enfin, après une délibération désordonnée, l’assemblée vota par acclamations les mesures que voici : « 1° L’assemblée du peuple déclare les députés qui ont approuvé l’armistice de Malmoe traîtres envers le peuple allemand,
- ↑ Gazette d’Augsbourg, 19 septembre 1848.