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il est l’hôte du pays. Il n’est plus de fête ou de réunion sans lui ; il se trouve l’objet d’attentions délicates que la société de Paris ne peut pas toujours rendre aux étrangers. Ainsi, j’ai dit qu’on parlait en Transylvanie toutes les langues du monde ; mais, avec vous et devant vous, tout le monde parlera français : dès que vous entrez dans un salon, à l’accent des paroles comme à la sympathie des sentimens, vous pourrez vous croire encore dans votre pays. Tout cela se fait simplement, avec une bonne grace naturelle. On cherche quels sujets peuvent intéresser la curiosité de l’étranger ; on ne prend pas seulement son langage, on cherche à pénétrer ses opinions pour ne les point blesser, ses croyances pour ne les point heurter. Dans ces natures intelligentes et sympathiques, l’hospitalité met en commun la pensée, les impressions, la vie de chaque jour ; on s’intéresse aux soucis et aux regrets du voyageur ; on adoucit en sachant la comprendre la détresse de la solitude qui saisit souvent le cœur dans ces lointains exils. Des hôtes passagers que vous rencontrez un jour, avec lesquels vous n’avez ni veille, ni lendemain communs, vous ont reçu comme de vieux amis, et peut-être même avec ce désir de plaire que négligent quelquefois les vieux amis. Ces rencontres rapides et leurs chances ne sont pas un des moindres plaisirs d’un tel voyage. C’est la vie en raccourci ; les jours y valent des années : peu de préliminaires ; rien n’est indifférent ; tout sert ou tout nuit, et quelquefois on emporte des souvenirs et des amitiés chères d’un lieu dont on ignorait le nom il y a quelques jours.

Ces vertus hospitalières ne sont pas seulement le partage d’une société polie par l’éducation, les voyages ou les devoirs qui naissent des situations élevées. C’est le fond même du caractère national ; on les retrouve dans toutes les classes ; les cabanes s’ouvrent aux voyageurs avec le même empressement que les châteaux. Il y a toujours à la table de famille une place pour l’étranger. On mange dans des plats de terre ou d’argent, mais le sentiment de l’hôte qui vous accueille est le même. Vous rencontrez des habitudes dignes des récits de l’Odyssée. Au carrefour des chemins, à l’ombre de quelques grands arbres, les paysans placent des vases remplis d’eau pour étancher la soif du voyageur ; souvent on y ajoute des gâteaux de maïs et de blé noir, dans les villages, on laisse sur la margelle des fontaines des écuelles et des gobelets de cuivre, et, dans ce pays de bohémiens, ces dons de l’hospitalité sont respectés comme des offrandes placées sur un autel. Cette charité, vouée à des inconnus par des bienfaiteurs inconnus, a quelque chose de pieux qui manque à l’hospitalité antique. C’est le verre d’eau donné à celui qui a soif, au nom d’un sentiment qui peut passer même de la reconnaissance.

Toutefois ces vertus brillantes ou solides ne sont pas sans mélange ; les beaux côtés du caractère transylvain ont leurs ombres : c’est l’inévitable partage de la nature humaine. Parmi les défauts des Transylvains