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pour la faim, une goutte d’eau pour la soif. Il a campé dans la plaine d’Elne, dans la plaine d’Elne, parce qu’elle était sur sa route, parce qu’en cas d’attaque, il y pouvait tirer parti de sa cavalerie, qui n’aurait fait que l’embarrasser à Collioure, parce qu’enfin, y trouvant eau, vivres, fourrages, il employait à retremper son armée dans l’abondance le temps que lui coûtaient les négociations.

L’Illiberis du temps de Tibère n’était déjà plus que l’ombre de l’ancienne vicus magnœ quondam urbis et magnarum opum tenue vestigium[1]. En 335, Constance Chlore, vaincu par Maxence, y fut assassiné[2] ; plus tard, son fils Constantin releva la ville de ses ruines et lui donna le nom de sainte Hélène, sa mère.

À 20 kilomètres du col de Pertus, le plus bas et le plus facile de la chaîne des Pyrénées, à 15 de Port-Vendres, le seul atterrage sûr de la côte, Elne est la place, la mieux située pour surveiller à la fois du côté de la terre et de celui de la mer l’entrée du Roussillon : aussi, dans toutes les guerres dont ce pays a été le théâtre, a-t-elle été l’un des points capitaux de la défense et l’objet des entreprises de l’ennemi. Assiégé par Philippe-le-Hardi, prise en 1474 par Louis XI, par le prince de Condé en 1641, le maréchal de Brézé l’occupa la plus grande partie de l’année suivante, pour empêcher les Espagnols de ravitailler Perpignan Enfin, pendant la campagne de 1793, le duc d’Ossuna s’en empara mais il en fut bientôt chassé par le général Dugommier.

Après Argelès, dont, en 1642, les habitans firent eux-mêmes la garnison espagnole prisonnière en attendant les Français, le granit des Albèrecs se dresse brusquement au-dessus du terrain d’alluvion et projette ses vastes ombres sur la campagne arrosée ; des vignes étagées sur ses flancs ravinés succèdent à de grasses prairies, et la côte change tout à coup de nature et d’aspect : de plate qu’elle était, elle devient abrupte et rocailleuse. La route, au lieu de contourner horizontalement les roches dont la mer bat le pied, grimpe jusqu’au col qui sépare de la montagne le mamelon que couronne le fort de l’Étoile, et de ce col elle descend à Collioure par une pente rapide. Le canon du fort bat les deux rampes et croise ses feux avec ceux du fort Saint-Elme, qui commande tout l’atterrage et attend encore les complémens que le cardinal de Richelieu et Vauban trouvaient urgent de lui donner. La route atteint enfin Port-Vendres par une ligne montueuse, tourmentée et près de deux fois, plus longue que ne le serait un tracé horizontal.

Au-delà de Port-Vendres, on ne trouve plus, jusqu’à la frontière, que des sentiers à mulets et de population agglomérée que celle de Banyuls-sur-Mer.

  1. Pomp. Mela, De situ orbis, l. II, C. 5.
  2. Aur. Vict., Epit., c. 41.