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et la conjurer. » On voit que, pour juger M. de Lamartine, il n’y a qu’à recueillir ses propres aveux ; mais l’on n’aurait point encore une idée exacte de l’état de son esprit, si l’on ne tenait compte du motif et de l’excuse qu’il donne à la violence de ses résolutions et de ses paroles. Il était surtout animé d’une rivalité jalouse contre la partie de l’opposition dont M. Thiers était le chef. « La satisfaction secrète de prendre une fois de plus cette opposition en flagrant délit de faiblesse, l’orgueil de la dépasser et de la convaincre d’inconséquence, étaient peut-être, dit-il, à son insu, pour quelque chose dans la chaleur du discours de Lamartine. »

Voilà toute la justification que M. de Lamartine présente à ses contemporains et à l’histoire de sa complicité dans la révolution de février. Je la résume. M. de Lamartine croit que c’est un tort grave de défier la Providence en faisant des révolutions. Il n’avait contre la monarchie constitutionnelle aucune objection de principes. Il aurait défendu le gouvernement de 1830, si ce gouvernement avait tendu, dit-il, à accomplir graduellement les deux ou trois grands perfectionnemens moraux et matériels réclamés par l’époque : ces deux ou trois perfectionnemens se réduisent à deux, qui sont l’avènement du peuple aux droits politiques et la séparation de l’église et de l’état. M. de Lamartine confesse les progrès accomplis par le peuple sous le régime de 1830 : n’importe, c’est au nom de ces deux prétendues idées que M. de Lamartine veut remettre ces progrès en question et jouer le repos des états et la vie des hommes. Enfin, à la veille de la catastrophe lorsqu’il provoque les conflits par la violence de ses discours, en sondant son cœur, il n’y peut montrer lui-même d’autre mobile qu’une triste jalousie attisée par une vanité irréconciliable. Les idées et les sentimens qui dirigent M. de Lamartine nous sont connus : voyons-le à l’œuvre.


II

M. de Lamartine a rempli de son nom l’Histoire de la Révolution de 1848. Je n’oublie pas cependant qu’il y a bien autre chose que la personnalité de M. de Lamartine dans cet immense événement. Je n’ai garde de faire sa responsabilité plus grande qu’elle n’est. Il y a eu un moment où M. de Lamartine a joué dans la crise un rôle décisif, où il y a pris volontairement une initiative prépondérante, où il en a peut-être tenu dans ses mains la direction ; mais la crise elle-même était née et s’était développée hors de son influence. La révolution de février a eu des causes générales dont M. de Lamartine n’a point à répondre ; les événemens des trois journées se sont déroulés avec un enchaînement sur lequel M. de Lamartine n’a pesé qu’à la dernière heure. Pour être juste et vrai, pour bien mesurer la responsabilité de M. de Lamartine,