Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’agression, mais en s’affaissant sur lui-même. J’arrive à l’intervention et à la responsabilité de M. de Lamartine dans le dénoûment du drame.

Dans les crises de la vie politique, les hommes qui tiennent de leur génie, de leur influence, de leur situation, l’honneur et le fardeau d’une responsabilité, sont quelquefois obligés de prendre des résolutions immédiates, soudaines, sous la pression d’un double devoir : l’un inspiré par le sentiment, l’autre suggéré par la réflexion ; l’un dicté par le cœur, l’autre par la raison. La décision à prendre a des effets immédiats et des résultats lointains ; un élan de l’ame signale les premiers, une délibération de la pensée calcule et mesure les seconds. Quelques esprits sans chaleur croient qu’il peut avoir lutte, en quelques circonstances, entre le devoir de sentiment et le devoir de raison. Quand cela serait vrai, la générosité humaine place toujours l’intuition de l’ame, qui provoque aux dévouemens héroïques, au-dessus de la supputation qui conseille les prudences et les réserves politiques. Quand cela serait vrai encore, au moins faudrait-il que l’homme en qui la raison comprime le cœur ne se trompât point dans son calcul, et ne prît pas un parti contraire aux motifs mêmes qu’il allègue comme ses mobiles ; mais cela n’est point vrai. La lumière qui jaillit du cœur n’est jamais trompeuse. Si de maladroits calculateurs le pensent un instant, c’est que leurs prévisions étriquées n’embrassent pas toutes les conséquences de leurs actes. Un triste exemple de ces capitulations aussi lâches qu’inhabiles du cœur à la raison faussée est celui de Vergniaud, ce rhéteur gonflé de phrases, qui aurait voulu sauver Louis XVI, et qui vota sa mort.

Ce double devoir a été proposé à M. de Lamartine dans la séance de la chambre des députés du 24 février. Comment a-t-il répondu ?

Mme la duchesse d’Orléans se rend avec ses deux fils au sein de la représentation du pays. La couronne est entre les mains d’un enfant et d’une femme : cette femme et cet enfant viennent demander protection à une assemblée française, voilà pour le sentiment, et en échange ils lui apportent la dernière base autour de laquelle et sur laquelle se puissent reconstituer un pouvoir régulier et une défense énergique et prompte de la société, voilà pour la raison. Le cœur et la raison disent encore que ce jeune prince et sa mère sont innocens des reproches qu’une opinion surexcitée adresse à l’ancien roi ; que repousser leur appel, c’est envoyer dans l’exil cette princesse jeune, vertueuse, aimée, et cet orphelin puni pour la faute d’un autre ; que repousser leur appel, c’est précipiter la France dans l’insondable abîme des révolutions. Enfin, comme si la générosité et le devoir ne parlaient pas encore assez haut, une bande d’hommes armés, qui viole l’enceinte de l’assemblée et menace la sûreté de la princesse et le ses fils, rend plus touchans et plus sacrés ces débris du naufrage d’une dynastie, et fait