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seront la puissance et la prospérité de la France. Il faut donc la rattacher au port de notre littoral d’où elle peut être le plus fortement tenue, et la carte de la Méditerranée ne permet pas d’hésitation sur le choix. Port-Vendres est en ligne directe de 150 kilomètres plus près d’Oran que Marseille, de 200 que Toulon… Je me trompe : puisque de Marseille et de Toulon on vient reconnaître Port-Vendres, l’abréviation est celle de toute la pénible et dangereuse traversée du golfe de Lyon.

La formation de nouveaux liens entre les plus riches provinces de l’Espagne et la France ne serait pas le moindre avantage de l’établissement, de communications directes entre Oran et Port-Vendres, et l’on peut juger, par l’importance des points intermédiaires de cette ligne[1], de celle qu’acquerraient bientôt les points extrêmes auxquels les rattacherait cette organisation.

À considérer la puissance respective des villes maritimes que possèdent la France et l’Espagne dans le voisinage des Pyrénées orientales, la balance ne penche pas de notre côté. Barcelone est à 35 lieues de notre frontière, et, pour lui trouver une rivale, il faut, aller jusqu’à Marseille. En vue même des crêtes qui dominent Port-Vendres s’ouvre, sous le revers méridional du cap Creus, la belle rade de Roses, protégée de trois côtés par de hautes terre, largement ouverte au sud, mais n’ayant que les avantages de cette configuration, car les vents et la houle du large n’entrent point : le mouillage des vaisseaux, défendu par une puissante forteresse, y est excellent sur une étendue de 400 hectares. Quand l’Espagne saura le vouloir, elle fondera sur ces dons de la nature un grand établissement militaire et commercial : ses ingénieurs, pour en trouver les plans, n’auront qu’à chercher, sous les broussailles et dans les marais qui couvrent la côte, les ruines des villes décrites par Tite-Live et par Strabon.

  1. Voici, d’après le Diccionario geografico-estadistico de Espana y Portugal de Minano, l’ouvrage le plus complet qui se soit publié depuis la paix sur la Péninsule, les populations des principales villes que desserviraient des courriers par terre ou des bateaux à vapeur qui côtoieraient ce rivage : Figuères : 7,422 hab. ; Valence : 65,840 ; Girone : 6,383 Alcira : 8,415 ; Barcelone : 120,032 ; San-Felipe : 15,000 ; Tarragone : 11,074 ; Alcoy : 18,219 ; Tortose : 11,697 ; Alicante : 23,443 ; Alcala de Chisvert : 5,967 ; Elche : 19,091 ; Castellon de la Plata : 15,032 ; Orihuela : 25,551 ; Villareal : 7,903 ; Murcie : 35,390 ; Murviedro : 6,273 ; Carthagène : 29,549. Abstraction, faite de Paris, on ne trouve en France, sur aucune ligne de pareille longueur, une semblable accumulation de populations urbaines.