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REVUE DES DEUX MONDES.

LE SECRÉTAIRE.

Came fait bien cet effet-là. Et, franchement, nous pourrons nous vanter de n’y avoir pas nui ; mais nous paierons notre part du dégât. (Entre un officier.)

L’OFFICIER.

Citoyen consul, j’ai vu défaire la dernière barricade.

LE CONSUL.

A-t-on des prisonniers ?

L’OFFICIER.

Quelques douzaines.

LE CONSUL.

Ils seront transportés.

LE SECRÉTAIRE.

Où ? Les moyens de transport sont rares, les pontons regorgent.

LE CONSUL.

Qu’on les emprisonne.

LE SECRÉTAIRE.

Les prisons sont pleines… Pour quelques douzaines de pauvres diables, tu peux bien les mettre en liberté.

LE CONSUL.

Soit. Écris.

L’OFFICIER.

Citoyen secrétaire, ce n’est pas la peine d’user ton encre. Les prisonniers seront placés ce soir et tranquilles, vu que le général Galuchet les a fait fusiller.

LE CONSUL.

Comment !

L’OFFICIER.

Comment ? Comme ça donc. Je te trouve coulant, toi, pour des canailles de rebelles qui ont fait feu sur nous.

LE SECRÉTAIRE, tirant un pistolet de sa poche.

Tu insultes le consul. Si je n’avais pas des égards pour ton général, je te brûlerais la cervelle. (Il sonne, deux gardes paraissent.) Mettez cet homme au cachot.

L’OFFICIER.

En voilà de la liberté ! Tas d’avocats ! (On l’emmène.)

LE CONSUL.

Quelle vie ! quelles scènes ! Cette exécution animera le peuple contre moi. Galuchet n’aurait pas pris sur lui de l’ordonner. C’est un trait du Vengeur.

LE SECRÉTAIRE.

Les bourgeois t’en sauront gré ; ils aiment la force.

LE CONSUL.

Combien a-t-il fait fusiller de ces malheureux ?

LE SECRÉTAIRE.

Bah ! un demi-cent !

LE CONSUL.

Je ne puis m’habituer à ce mépris de la vie humaine. Qui aurait cru à tant de férocité dans un peuple naguère si paisible ?

LE SECRÉTAIRE.

Tu me rappelles une phrase que j’ai lue dans le vieux Bonald, du temps que