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REVUE DES DEUX MONDES.

bien. Dans les campagnes révolutionnaires et éclairées, tout est à peu près fini. Les paysans, devançant le décret, ont démoli leurs églises et s’en sont partagé les débris. Mainte masure deviendra une jolie maisonnette, maint rétrograde deviendra bon socialiste, mainte commune sera régénérée par cette opération hautement philosophique. En l’ordonnant, vous avez bien mérité de la civilisation et de l’humanité.

LE CONSUL.

Après ?

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS.

J’ai le regret d’ajouter que les autres travaux languissent, par suite soit du manque de fonds, soit du refus des ouvriers. Nous n’avons pu rétablir encore les chemins de fer, les ponts et les routes, coupés par divers motifs depuis la révolution. Les lignes restées intactes ne fonctionnent plus ou ne fonctionneront pas long-temps, à cause de la rareté du charbon qui n’arrive plus, de l’épuisement des machines qu’on ne répare plus, et principalement à cause du petit nombre des voyageurs. Le mouvement se ralentit de jour en jour, les transactions sont suspendues. Il faudrait ranimer l’industrie.

LE CONSUL.

Que proposes-tu pour la ranimer ? Voilà ce que tu aurais dû dire d’abord.

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS.

Je me suis entendu avec le ministre du commerce et le ministre du progrès.

(Le ministre de l’instruction publique secoue le ministre du progrès.)
LE MINISTRE DU PROGRÈS, s’éveillant.

Hein !

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS.

Le moyen que la science sociale indiquait et que nous avons employé n’a pas réussi. Nous avons fait arrêter, juger et exécuter plusieurs manufacturiers, et nous avons remis à des associations ouvrières leurs établissemens, qui ont été déclarés propriétés nationales.

LE CONSUL.

Eh bien ?

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS.

Eh bien ! les ouvriers ont eu de la peine à s’entendre. Après de longs chômages, consacrés à faire les élections, ils sont parvenus cependant à se donner des chefs. Ils ont choisi en général les plus éloquens et les plus patriotes ; cependant ceux-ci n’ont pas su se faire obéir. Le chômage a continué. Les mauvaises têtes venaient fumer leur pipe autour du poteau sur lequel on lisait : Celui qui ne travaille pas est un voleur. Dans quelques manufactures, les chefs ayant déployé de l’énergie, les mécontens ne se sont pas bornés à les révoquer. Croyant pouvoir les juger parce qu’ils les avaient élus, ils ont formé entre eux un tribunal et les ont condamnés à mort…

LE MINISTRE DE l’INSTRUCTION PUBLIQUE.

Comme aristocrates.

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS.

N’importe à quel titre, c’était toujours une illégalité. Ces sentences ont reçu leur exécution. Elles ont répandu l’indignation et la terreur parmi les bons ouvriers et porté au comble l’audace des mauvais…