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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE.

LE PÈRE ALEXIS.

Simplet, ton déjeuner t’attend.

SIMPLET, bas.

Père, un mot à ce pauvre homme. Il ne sait rien de rien. C’est un savant.

UN SAVANT, regardant le père Alexis.

Je connais ce geôlier.

LE PÈRE ALEXIS.

Vous cherchez où vous m’avez vu, monsieur ? C’est à votre cours. Le père Alexis.

UN SAVANT.

Un jésuite ! tout s’explique. Je causais avec votre élève, mon révérend père. Il me paraît déterminé.

LE PÈRE ALEXIS.

C’est une petite conquête qui ne vous fait pas grand tort. Simplet n’était que platonicien.

UN SAVANT.

Je suis étonné de vous voir ici.

LE PÈRE ALEXIS.

La merveille est que j’y suis libre et fonctionnaire… Ah ! ce n’est pas sans beaucoup de ruses que j’ai pu m’introduire ! Vous soupçonnez bien à quoi je m’occupe. J’ai fait ma cellule d’une chapelle semblable à celle-ci. Le confessionnal et l’autel y sont encore. Je m’en sers.

UN SAVANT.

On vous coupera la tête.

LE PÈRE ALEXIS.

Il n’est pas nécessaire, nous dit Tertullien, que vous viviez ; il est nécessaire que vous serviez Dieu.

UN SAVANT.

Et votre foi n’est pas ébranlée ?

LE PÈRE ALEXIS.

Jamais elle ne fut soutenue par plus de miracles. Je recueille des repentirs précieux, des larmes saintes ; je vois la charité couvrir de fruits abondans cette terre aride, et l’espérance fleurir jusque sur l’échafaud. Quelle grâce pour beaucoup de gens d’être venus échouer ici !

UN SAVANT.

Vous en parlez à votre aise. J’aurais choisi un autre sort.

LE PÈRE ALEXIS.

Votre foi serait-elle moins assurée que la mienne ?

UN SAVANT.

Ma foi, à moi, n’est pas tenue de me consoler. Il suffit qu’elle m’éclaire… Et elle me montre un avenir prochain où vous ne serez plus. Regardez donc ce qui tombe.

LE PÈRE ALEXIS.

Je vois aussi ce qui repousse. Ce qui tombe, c’est votre œuvre. Ces gouvernemens emportés au moindre choc, ces institutions risibles, ces doctrines fécondes seulement en monstruosités, tout cela, mon cher adversaire, est bel et