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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE.

il ajoute que l’affaire sera meurtrière et que plusieurs y perdront leurs parens et leurs fils. Personne ne bronche, tout le monde veut l’assaut. Valentin commande le feu, monte le premier sur la brèche et voit parmi les morts le cadavre de sa femme. Il le fait enlever sans prononcer un mot, de peur que ses hommes exaspérés ne massacrent les prisonniers.

GUYOT.

En voilà un sur qui la révolution a passé comme un cylindre de fer ! Son père et sa mère ont été tués du même coup devant moi.

LE COMMANDANT.

Et faire encore la guerre avec tant d’humanité ! Ces gens-là sont étonnans.

GUYOT.

Oui, mais quel fanatisme ! Dans leur fédération, ils vivent comme des capucins. Les prêtres y gouvernent, et la civilisation recule. Ils ne veulent pas de spectacles, ils vont à la messe tous les jours. C’est une vie bien triste.

LE COMMANDANT.

Pas plus triste que la nôtre… Je suis revenu de beaucoup d’illusions.

GUYOT.

Moi aussi, mais… (On entend un coup de fusil.)

JEAN BONHOMME, se levant.

Reçois enfin ton compte ! (Il tire, Guyot tombe. Combat et carnage.)


XIII.

Salle du conseil dans la capitale de la fédération de l’Ouest.


(Les membres du conseil, en petit nombre, ecclésiastiques, paysans, soldats et bourgeois, sont agenouillés devant un grand crucifix qui s’élève au fond de la salle.)
VALENTIN DE LAVAUR, président.

Messieurs, la république sociale vous a demandé la paix ; elle n’a obtenu qu’une trêve, et vous ne l’avez accordée qu’en considération de l’invasion qui menace nos anciens concitoyens. La trêve est conclue. Les socialistes, se fiant à notre parole, ont dégarni leur frontière. La partie de leur armée qui n’est pas occupée à comprimer l’intérieur est maintenant en présence de l’ennemi. Une bataille décisive est imminente. Le résultat ne semble pas douteux. Je vais me rendre sur le point de notre territoire le plus rapproché du théâtre de ce grand événement. Par devoir, nous sommes neutres entre les parties belligérantes. Nous ne voulons point défendre la cause des socialistes, hostile à Dieu et aux hommes ; mais nous ne pouvons oublier que si les socialistes sont nos persécuteurs, ils furent aussi nos concitoyens, nos amis, nos frères, qu’ils parlent la même langue que nous, que le sol qu’ils vont arroser de leur sang, après l’avoir arrosé du nôtre, a été pour nous aussi et sera encore, je l’espère, le sol de la patrie. Entre les Cosaques et les socialistes, nous laissons le ciel rendre ses justes arrêts. Qu’il nous rende dignes seulement de combattre le vainqueur !

Messieurs, nous nous sommes donné une grande tâche ; elle n’est point achevée ; néanmoins, ce que nous avons accompli avec l’aide de Dieu doit nous