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quand ces recettes étaient insuffisantes, ils ne reculaient pas devant certaines exactions pour les grossir. On avait plusieurs fois essayé de couper court au mal par des renouvellemens de personnel. Rien n’y faisait. Les mises en retraite ou en disponibilité qu’entraînaient ces tentatives de réforme ne servaient qu’à multiplier les surcharges du trésor et à accroître l’impuissance de l’état. De plus en plus mal payés et par suite de plus en plus rapaces, les employés de fraîche date faisaient regretter leurs prédécesseurs. L’Espagne expérimentait avant nous, quoique sous une autre forme, que les satisfaits coûtent encore moins cher que les hommes nouveaux. De cette déconsidération du personnel administratif naissaient des inconvéniens très graves. Le peuple ne voyait plus derrière l’administration l’état. Il n’y voyait qu’une bande de rançonneurs avides dont il était parfaitement légitime d’éluder l’action. Toute idée de légalité était éteinte dans les masses, toute notion de droit public renversée. La suppression de la contrebande, qui a déjà pour effet immédiat de ramener dans l’orbite légale une notable partie de la population, aura pour effet indirect de tarir la source du mal. Les finances relevées et les employés mieux payés, le gouvernement aura dans ses mains un infaillible instrument d’épuration administrative. Une administration juste et respectée rendra la légalité légitime et respectable pour les masses. Ai-je besoin de dire qu’en dehors de l’intérêt financier et des questions de moralité qui se rattachent à cette réforme, ce sera encore un immense résultat politique ? Il y a en Europe, près de nous, un autre pays qui n’a pas été même ébranlé par le cataclysme de 1848, et ce n’est pas à la puissance de son mécanisme social qu’il le doit. Les causes de dislocation y sont au contraire accumulées dans des proportions effrayantes ; mais ce pays est le seul ou l’illégalité, qui, partout ailleurs, devient presque du bel air, soit considérée comme une honte. C’est le seul où le génie indigné d’un grand orateur, cherchant à frapper un coup décisif sur une assemblée que laissait presque froide l’exposé de faits révoltans, ait osé et pu concentrer le suprême effort de son éloquence dans cet admirable cri : « Messieurs, je crois que cela est contraire à la patrie de loi ! » C’est la patrie de Pitt.

Etudiée de près, cette réforme des tarifs, si insignifiante au premier abord et dont la timidité a dû faire sourire plus d’un économiste, cette réforme est donc bien une révolution dans l’acception la plus large du mot. C’est la régénération matérielle et morale de l’Espagne.

Le cabinet Narvaez ne se borne pas à donner au pays l’instrument de ce double progrès ; il met lui-même la main à l’œuvre.

Sous l’influence des mesures prises par M. Mon pour arriver au règlement de la dette tant extérieure qu’intérieure, les fonds publics éprouvent un mouvement de hausse encore assez lent, mais soutenu.