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les populations ; tout ce que la race magyare peut tirer de son sein en hommes et en argent est entre les mains de M. Kossuth. C’est un suprême combat dans lequel cette race expose peut-être sa dernière chance d’avenir. Aussi, tout en déclarant qu’elle combat pour la plus juste des causes, doit-on reconnaître qu’elle combat avec ardeur. Cette sorte de jeu de barres, cette guerre de cavalerie et d’artillerie, d’excursions hardies et de surprises admirablement appropriées à la nature vive et fougueuse du Magyar, l’a mise en relief avec avantage. Selon toute apparence, les Magyars seront vaincus, non sans doute d’ici à quinze jours, ainsi que le promet Paskewitz avec quelque témérité, mais du moins dans un avenir très rapproché. Ce serait déjà un fait plus qu’aux trois quarts consommé, si le même maréchal Paskewitz, prince de Varsovie, la gloire de l’armée russe, n’avait, par une légèreté singulière, laissé échapper Georgey vers la Theiss, où ce général compte faire sa jonction avec Dembinski et Bem La résistance des Magyars aura donc été brillante, grace à l’inexpérience des généraux austro-russes tout autant qu’à l’énergie de Dembinski, Bem et Georgey.

En Turquie, les esprits suivent le mouvement de l’opinion européenne : ils tournent à la paix. La seule question qui pouvait faire naître un conflit entre le divan et la Russie, la question des principautés moldo-valaques, est aujourd’hui en partie résolue. Le premier soin des deux cours, en attendant qu’on puisse songer à une organisation administrative sérieuse et complète, a été de faire droit aux difficultés les plus pressantes. Le prince Stourdza, qui gouvernait et pressurait la Moldavie depuis 1834, a été sacrifié au vœu des populations. Il emporte dans l’exil l’une des plus grandes fortunes de l’Europe. Le parti national s’accorde à reconnaître la probité et le libéralisme de son successeur, M. Grégoire Ghika. Ce parti ne croit pas avoir lieu d’être aussi satisfait du prince qui vient d’être donné à la Valachie, M. Styrbey, frère aîné de l’ancien prince Bibesco, et connu par son dévouement systématique à l’intérêt russe. Au reste, l’hospodar n’est plus aujourd’hui un consul à vie ; c’est un président de république choisi pour sept ans. Les deux cours ont fait d’autorité ces premières nominations. Il reste à déterminer sous quelle forme le pays élira lui-même dans l’avenir son premier magistrat. C’est un point que pourra seule régler la future constitution.

La Grèce, qui, pour sa part, ne s’est pas toujours tenue dans des rapports d’amitié avec l’empire ottoman, semble aujourd’hui disposée à suivre les conseils que la sagesse de la diplomatie voudra bien lui dicter dans l’intérêt de l’équilibre et de la tranquillité de l’Orient. Il était à craindre que le patriotisme hellénique, ému de l’universelle émotion de l’Europe ne se laissât entraîner à des manifestations qui eussent pu créer des difficultés dans les relations de la Grèce avec la Porte Ottomane, en un moment de crise où il importe si fort que ces relations restent pacifiques. Bien que les nombreuses populations helléniques du nord et de l’est laissées sous la domination du sultan par les traités soient peut-être comparativement plus heureuses que celles de la Grèce indépendante, il se pouvait que le sentiment national inspirât quelques résolutions aventureuses aux patriotes convaincus du droit de la Grèce moderne à réunir dans son sein tous les enfans de la famille hellénique. Quelques symptômes d’agitation se sont produits en effet sur divers points, et particulièrement en