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perdent, la précipitent sous les pieds de l’ennemi : c’est la défaite. Au contraire, lorsque votre ame est pure, par le seul effet de sa pureté, elle marche entourée de lumière ; des armées d’anges blancs, d’autant plus nombreuses que cette pureté est plus grande, vous guident à travers tous les obstacles et vous conduisent à une victoire assurée. Voulez-vous savoir, par exemple, pourquoi Napoléon a vaincu le monde ? C’est parce qu’il avait en lui la plus grande pureté et autour de lui la plus grande armée d’anges blancs qui eût, encore accompagné les pas d’un mortel. Aussi le napoléonisme est-il un des dogmes fondamentaux de la religion nouvelle. Napoléon, de tous les hommes de l’époque passée le plus miraculeux, suivant l’expression de M. Mickiewicz, est le continuateur du Christ, et Towianski vient à son tour continuer l’œuvre de Napoléon. Non veni solvere, sed adimplere.

La prédication officielle et publique de M. Towiazski avait commence le 25 septembre 1841, en l’église Notre-Dame de Paris, après la messe. M. Towianski et M. Mickiewicz avaient communié devant un petit nombre d’initiés et beaucoup de profanes, convoqués par lettres d’invitation de M. Mickiewicz. M. Towianski déclara qu’il venait, par ordre divin, annoncer que l’heure du Seigneur avait sonné, et que l’époque de grace allait surgir. « Ne vous étonnez pas, disait-il, si je parle d’une mission que je tiens d’en haut. Lorsque la méchanceté humaine est arrivée aux dernières limites, la Providence recourt d’ordinaire aux moyens et aux remèdes directs. Avant de se faire connaître ici-bas, ce travail se prépare dans le sein de la science suprême ; il s’élabore dans la pensée divine avant de descendre de la région des esprits pour revêtir une forme humaine, — témoin les Testamens, l’Ancien et le Nouveau. — Autrefois le triomphe de la pensée divine s’accomplissait par un enchaînement de révolutions successives ; aujourd’hui, elle opère plus promptement, elle se développe avec la rapidité de la foudre… Je vous garantis solennellement, dit l’orateur en terminant, que l’œuvre du Seigneur vient de commencer. »

La mission de M. Towianski rencontra, il faut le dire, beaucoup d’incrédules, et ceux des membres de l’émigration qui ne pensaient point que l’illuminisme fût un bon moyen de hâter l’affranchissement de la Pologne accusaient hautement le révélateur d’être un agent fort habile venu à propos pour paralyser les forces de la propagande. Cependant M. Towianski opérait aussi des conversions et trouvait des admirateurs fanatiques. Admirablement servi par le culte étrange que lui avait voué M. Mickiewicz, il passionnait certaines imaginations qui rivalisèrent d’enthousiasme avec le poète. Des femmes s’attachaient à ses pas et lui demandaient l’initiation à la foi nouvelle. À la fin de 1841, les réunions fraternelles s’étaient transportées de l’église métropolitaine à celle de Saint-Séverin. Suivant le langage de M. Towianski, la Vierge patronne