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9 mai, il annonça que le déficit de l’année, pour les dépenses ordinaires, ne serait que d’un million sterling (25 millions de francs), résultat trop merveilleux pour être vrai après une seule année d’administration, et qui fut généralement accueilli par des doutes.

Pour combler le nouveau déficit, il refusa de contracter un emprunt dans la forme ordinaire, les fonds publics étant encore trop bas pour qu’il lui parût sage de jeter de nouveaux titres dans la circulation. Il aima mieux emprunter à la banque, sur des bons de l’échiquier, à 5 pour 100, et telle était la confiance qu’il inspirait déjà, que la banque consentit à faire cette nouvelle avance. En même temps il annonça qu’il restait encore pour 10 millions sterling de bons de la marine et de l’artillerie, et que, cette masse de valeurs en suspens étant la principale cause de la dépression des fonds, il croyait de son devoir de les consolider immédiatement. Il émit à cet effet, comme l’année précédente, du 5 pour cent un peu au-dessous du pair, et grossit ainsi la dette fondée de plus de 11 millions de liv. sterling. Pour subvenir aux intérêts des nouveaux emprunts et remplacer la taxe sur les étoffes de coton qu’il avait été forcé de supprimer, il proposa de nouvelles taxes sur les laquais, les servantes, les chevaux de poste, les boutiques, les prêts sur gages et les gants. Ces taxes subirent dans la discussion quelques modifications qui devaient les rendre moins productives, et Pitt, qui ne voulait rien perdre, augmenta en proportion quelques-uns des impôts déjà existans, de manière à retrouver les 400,000 liv. sterling de revenu supplémentaire dont il avait déclaré avoir besoin.

Fox, Sheridan et les autres membres de l’opposition avaient d’abord manifesté l’intention d’appuyer Pitt dans ses réformes financières ; mais, quand ils le virent s’engager si avant, ils espérèrent en profiter pour le renverser. Suivant la tactique éternelle des oppositions, ils s’attachèrent à prouver que le déficit était beaucoup plus grand que ne l’avouait le ministre, et en même temps ils attaquèrent toutes les taxes nouvelles comme impopulaires. Ils s’en prirent surtout à la nouvelle taxe sur les boutiques, qui était en effet assez mal conçue, et dont la révocation devait leur donner plus tard un petit triomphe de détail. Les accusations qu’ils élevaient contre le chancelier de l’échiquier étaient trop évidemment contradictoires pour mériter une bien grande faveur, mais chacune d’elles prise à part était spécieuse. Dans un pays moins positif, elles auraient pu donner le change. En Angleterre, l’opinion résista ; les bills proposés par Pitt ne passèrent qu’à une faible majorité ; la coalition des intérêts compromis ébranla un moment le jeune ministre, mais la force de la vérité l’emporta.

Ainsi se passa l’année 1785. Tout le monde sentait qu’une situation aussi mauvaise, aussi chargée d’embarras, ne pouvait pas s’éclaircir comme par enchantement. On avait foi dans la résolution de Pitt, dans